Le Cercle Médiéval


Le berceau du monachisme chrétien oriental

D'où venait le monachisme oriental avant son grand développement au llle-IVe siècle en Egypte? Le fondateur de Saint-Victor, Jean Cassien faisait remonter, dans ses Institutions (II, 5), le monachisme égyptien au couvent des thérapeutes du Ier siècle, près du lac Maréotis (ou Mariout) d'Alexandrie. Il établissait ainsi un lien entre le premier monachisme et ces communautés fermées du judaïsme qu'étaient les monastères esséniens et thérapeutes. Il suivait en cela le célèbre historien de l'Église primitive, Eusèbe évêque de Césarée (264-338), contemporain de saint Antoine et qui avait été prêtre en Egypte et élève de Pamphyle, chef de l'école d'Alexandrie. Au deuxième livre de son Histoire ecclésiastique, immédiatement après l'indication de la fondation par l'évangéliste Marc de l'Église d'Alexandrie, Eusèbe parle des moines thérapeutes d'Alexandrie du Ier siècle. Ceux-ci avaient déjà été décrits par le livre de Philon d'Alexandrie, De vita contemplativa et Eusèbe n'hésite pas à les affirmer comme chrétiens : « Nous croyons que ces paroles de Philon s'appliquent d'une manière claire et indiscutable aux nôtres. » (II, XVII, 17). Il rapporte même que Philon (v.-13- v-54), contemporain de Jésus et des premiers disciples, aurait été en relation avec Pierre à Rome en ce milieu du V siècle (II, XVII, 1). On doit par ailleurs relever la relation établie par Philon à cette époque entre, d'une part les nombreux moines thérapeutes présents tant au monastère du lac d'Alexandrie que dans toute l'Egypte, en Grèce et dans l'ensemble du monde méditerranéen (De vita contemplativa, 21-22), et d'autre part les 4000 moines esséniens existant selon Flavius Josèphe (Histoire ancienne des Juifs, Livre XVIII, chap. 2) tant au monastère de Qumrân près de la mer Morte, pour environ un millier d'entre eux, que dans toute la Palestine et à Damas en Syrie comme dans l'ensemble de la Diaspora.

Église Saint Antoine - Alexandrie - Égypte

Église Saint Antoine - Alexandrie - Égypte

Et on ne peut s'empêcher de faire le lien entre ces moines esséniens et thérapeutes et la mention par les Actes des apôtres des missions exercées en ces mêmes années 50, à Éphèse et à Corinthe, d'un chrétien d'Alexandrie, Apollos, qui avait reçu « seulement le baptême de Jean » (Ac 18,24), de même qu'une douzaine d'autres chrétiens à Éphèse ainsi appelés johannites. Ces missions eurent lieu avant même l'arrivée de Paul dans cette ville (Ac 19,1-7). Si l'on considère par ailleurs que Jean le Baptiste, propre cousin de Jésus, est décrit par Flavius Josèphe comme un moine ermite proche de Qumrân, alors il faut conclure comme le fait Jean Daniélou, spécialiste du judéo-christianisme, dans son livre Les manuscrits de la mer Morte et les origines du christianisme: « La question des contacts entre Jean-Baptiste et les membres de la communauté du désert de Juda n'est pas nouvelle.[...] Il est possible qu'il ait été un essénien. Il est plus vraisemblable qu'il fut seulement dans la mouvance de l'essénisme. ». Dès lors, pour aller un peu plus loin, peut-être faut-il considérer Jean te Baptiste comme le premier moine esséno-chrétien et assumer une certaine continuité entre les expériences monastiques des esséniens de Qumrân et des thérapeutes d'Alexandrie, d'une part, et le premier monachisme chrétien, d'autre part.




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