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La ville et les marchands au Moyen-âge..

Théorie

Le Moyen Âge est l'époque où les villes connaissent un important essor. Au milieu du XIVe siècle, on estime que le cinquième de la population européenne vit en milieu urbain. Plusieurs facteurs expliquent le développement d'une ville : proximité d'une abbaye, d'un monastère, d'un château ou d'une résidence princière, siège d'un évêché, lieu de pèlerinage, présence de voies de communication (route, fleuve, port) favorisant le commerce et les échanges, volonté du seigneur de coloniser de nouvelles terres, d'installer des places fortes ou un comptoir commercial...

Aspects de la ville

Protégée par des remparts, la ville médiévale ne constitue pas un tissu continu et homogène. Les rues et les ruelles sont sinueuses, rarement pavées et souvent encombrées de détritus. Cet enchevêtrement forme des quartiers d'habitations groupés autour des édifices religieux (cathédrales, églises, couvents), des bâtiments symbolisant le pouvoir judiciaire, fiscal et urbain (château du seigneur, palais épiscopal, hôtel de ville...) ou des places, et notamment la place du marché. Entre ces îlots subsistent de nombreux espaces non bâtis (jardins, prairies, champs, terrains vagues) Figure 1

Plan de la cité de Liège aux Xe et XIe siècle.

Figure 1

Les incendies représentent un perpétuel danger, en raison de la densité de l'habitat dans les zones bâties, de l'utilisation fréquente de matériaux inflammables comme le bois et le chaume et d'un manque de moyens de lutte contre le feu. Les maisons comportent un ou plusieurs étages. Le rez-de-chaussée est réservé aux commerces et aux ateliers, tandis que les niveaux supérieurs sont consacrés aux pièces d'habitation Figure 2

Maison urbaine XIVe-XVe siècle

Maison urbaine avec commerce au rez-de-chaussée.
Ibn Butlan, Tacuinum sanitatis in medecina, Italie du nord,
fin XIVe - début du XVe siècle
Université de Liège, Bibliothèque générale, ms 1041, f° 62 v°

Gouvernement et commune

Comme les campagnes, les villes sont placées sous l'autorité d'un seigneur qui opère divers prélèvements et soumet les habitants à certaines obligations (péage pour emprunter les ponts ou franchir les portes de la cité, taxe sur les marchés, service militaire...). Cette autorité est de plus en plus mal ressentie par les bourgeois qui désirent s'en affranchir, car elle entrave les activités commerciales et le développement des villes. Regroupés en une association appelée commune, ils prêtent un serment collectif par lequel ils se promettent aide et assistance mutuelles. Par l'intermédiaire de la commune, ils présentent leurs revendications au seigneur (percevoir des taxes sur la vente et l'achat de marchandises, rendre la justice pour certains délits mineurs, veiller à la défense de la cité, organiser la police des marchés, assurer la sécurité des biens et des transactions). L'ensemble de ces libertés est énuméré dans un contrat écrit que l'on appelle charte.

Dès 1066, les bourgeois de Huy se voient ainsi octroyer du prince-évêque de Liège une charte de liberté, la première connue au nord des Alpes. Même si certaines "cités deviennent des républiques indépendantes, l'affranchissement vis-à-vis de l'autorité seigneuriale n'est, la plupart du temps, pas total et le seigneur peut conserver toute une série de prérogatives (désignation des échevins, perception de la taille, droit de lever une armée). Le gouvernement des villes affranchies est cependant loin d'être démocratique : du seigneur, il passe aux riches marchands. Ceux-ci forment le patriarcat et vont monopoliser les fonctions publiques, fixer les impôts et les salaires. Au XIIIe siècle, cette domination va engendrer de multiples conflits avec les gens du peuple, ce qui provoquera grèves, révoltes et insurrections.

Métiers, corporations et confréries

En ville, la vie des habitants se déroule dans le cadre de groupes très unis. Ainsi, les artisans exerçant la même profession se regroupent au sein d'associations d'entraide appelées corporations ou métiers. Personne ne peut s'installer et vendre une marchandise sans appartenir au métier et y être devenu maître. Les corporations disposent de leurs propres règlements, qui déterminent les statuts et monopoles du métier, le rôle des maîtres et des apprentis, les horaires et les conditions de travail, les salaires, les procédés de fabrication, les prix de vente, voire l'entraide en cas d'accident grave ou lors d'un décès. L'aspect religieux est également présent, puisque chaque corporation est protégée par son saint patron, dont la statue est honorée à l'occasion de fêtes ou de processions

Quant aux confréries, il s'agit d'associations de secours mutuel regroupant des personnes habitant le même quartier, la même paroisse ou partageant le même métier. Elles organisent des banquets, des processions et des fêtes. Leurs membres versent une cotisation annuelle et doivent s'entraider en cas de besoin.

A la foire de l'est...

A partir du XIe siècle, l'Europe connaît un développement des activités commerciales Figure 3. L'amélioration de la production agricole permet de dégager des surplus qui sont vendus sur les marchés urbains. En retour, la ville fournit à la campagne des produits artisanaux (outillage, toiles...). Les seigneurs tirent profit de ce commerce, car cela leur permet de prélever, au passage, diverses redevances sur le transport des marchandises, la traversée des ponts, l'entrée dans les villes... Sur le plan local, les marchands sont parfois les producteurs venus vendre directement leurs produits agricoles au marché du village. Peu à peu, des régions vont se spécialiser dans certaines activités commerciales. Ainsi, les marchands italiens (Vénitiens, Génois et Pisans) profitent dés contacts qu'ils ont maintenus et développés avec l'Orient pour lancer leur flotte à travers la Méditerranée.

Les relations commerciales dans le monde occidental au XIIIe siècle

Les relations commerciales dans le monde occidental au XIIIe siècle

Les Croisades vont leur permettre de renforcer leurs présence. Les Italiens deviennent véritablement les marchands de la chrétienté, chaque ville d'Occident comptant parmi ses habitants une petite colonie italienne. Les foires constituent les lieux privilégiés d'échange des marchandises venues de régions parfois très éloignées. Elles se déroulent à une date fixe (une fête religieuse) et durent de quelques jours à plusieurs semaines. Leur renommée peut être internationale. C'est le cas des foires de Champagne, qui se sont développées à l'initiative des comtes de Champagne. Ces rendez-vous attirent des marchands venus de toute l'Europe pour écouler leurs produits.

La Hanse

Dès la seconde moitié du XIIe siècle, dans les ports de la mer du Nord et de la Baltique, les marchands de cités commerçantes, telles Lùbeck ou Hambourg, vont se regrouper en communautés, les hanses. Peu à peu, ces hanses vont se fondre en une seule compagnie, la Hanse teutonique. Cette confédération, qui dispose de nombreux comptoirs en Europe du Nord et de l'Est (Londres, Dinant-sur-Meuse, Bruges, Novgorod, Riga, Dantzig...), se spécialise dans le commerce des fourrures, du vin, du sel, des draps, du poisson séché et du blé, de la Manche à la mer Baltique.

Un commerce « épicé »

Les épices constituent, au Moyen Âge, des denrées particulièrement recherchées. Leur utilisation est multiple, puisqu'on les retrouve dans l'alimentation (poivre, cannelle, safran...), la teinturerie (alun), la parfumerie (musc, ambre) ou la pharmacopée (cardamome). Ces produits de luxe sont acheminés depuis l'Asie, l'Afrique du Nord et le Proche-Orient à travers la Méditerranée, via certaines villes portuaires (Gênes, Venise) pour aboutir finalement dans les échoppes des épiciers et des apothicaires. A la fin du XVe siècle, c'est pour découvrir une nouvelle route vers les Indes, terre de prédilection des épices, que Christophe Colomb s'embarque pour un fabuleux voyage au terme duquel il découvrira un nouveau monde. Mais il s'agit là d'une autre histoire...

Draps de Flandre

Dès le XIIe siècle, la Flandre est réputée pour ses draps dont le commerce assure la fortune de villes comme Bruges, Gand ou Ypres. La laine brute, importée essentiellement d'Angleterre par voie maritime, est acheminée dans les différents ateliers. Plusieurs opérations sont nécessaires pour confectionner les draps. Chacune est assurée par un artisan spécialisé. La production inonde ensuite les marchés et foires d'Europe

La monnaie

Au Xe et XIIe siècle, de nombreux seigneurs disposent du droit de battre monnaie. Comme elles ne contiennent pas beaucoup d'argent, ces pièces ont peu de valeur. Peu à peu, certaines monnaies commencent à acquérir une plus grande valeur que d'autres, soit parce qu'elles comporte une plus grande quantité d'argent, soit parce qu'elles émanent d'une autorité puissante Figure 4. C'est notamment le cas pour celles des villes de Venise, Florence et Gênes. Avec le développement du grand commerce, il devient nécessaire d'établir des taux de change. Les foires de Champagne deviennent, dès lors, la plaque tournante du change international. En outre, les changeurs italiens vont créer des compagnies et mettre sur pied le système des lettres de change : le dépositaire d'une somme reçoit un parchemin attestant du dépôt qu'il vient d'effectuer. Sur présentation du billet, il peut alors recevoir, dans un autre bureau de la compagnie considérablement éloigné du précédent, une partie ou la totalité de la somme déposée.

Denier liégeois XIIe siècle

Figure 4
Denier liégeois de l'atelier de Huy
(seconde moitié du XIIe siècle)
Huy, musée communal.

Textes

Charte de Huy (charte de l'évêque Théoduin, 1066)

«1. Lorsque l'évêque meurt en temps de paix, jusqu'à la pleine investiture de son successeur, les bourgeois de la ville, en toute bonne foi et sagesse, prendront soin du château au moyen des revenus de la ville.

4. Si quelqu'un réclame un bourgeois de Huy comme son serf, il doit le récupérer, pour autant qu'il en apporte la preuve.

6. Si quelqu'un est accablé de charges extraordinaires par son seigneur, il pourra demeurer en paix dans sa maison, sans donner suite à de quelconques injonctions.

7. Les Hutois ne rejoindront la milice armée, à moins que les Liégeois ne les aient précédés entre le jour fixé pour partir en guerre et le huitième jour suivant».

A. Joris, La ville de Huy au Moyen Âge. Des origines à la fin du XIVe siècle, Paris,
Les Belles Lettres, 1959, pp. 479-484.

Construction d'une halle à Dinant (1263)

«Le maire, les échevins, les jurés et toute la communauté de la ville (...) ont élevé et sagement fait et établi un édifice qu'on appelle communément halle (...). Et les conditions sont telles :

Que tous ceux qui demeurent en cette ville (...) et tous les étrangers qui du dehors viendront, qui vendront drap, toile, pain, mercerie ou autres semblables marchandises, devront vendre et exposer en vente leurs marchandises en la halle devant dite (...)».

S. Bormans, Cartulaire de la commune de Dinant, t. I, Namur, 1880, pp. 50-53.

Extraits des privilèges octroyés et confirmés aux Liégeois (1208)

«1. Les bourgeois de Liège ne doivent ni taille, ni taxe en quote-part, ni service militaire, ni chevauchée quelconque. Mais si quelque château appartenant à l'église ou quelque poste de défense est assiégé ou occupé par l'ennemi, l'évêque, tout d'abord, pendant quinze jours prendra les armes avec ses auxiliaires (...) afin de repousser l'ennemi (...). Durant ce terme de quinze jours, l'évêque portera cette affaire à la connaissance des bourgeois de Liège et les invitera à se préparer à venir à son secours (...).

7. Le bourgeois de Liège, aussi longtemps qu'il se réclamera de la juridiction du maire et des échevins ne pourra être attrait devant une juridiction supérieure (...).

14. Aucun bourgeois ne peut être arrêté ou emprisonné sans une sentence des échevins».

G. Kurth, «Les origines de la commune de Liège», Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. XXXV, Liège, 1905, pp. 304-307.

Commande d'un négociant génois pour les foires de Provins et de Flandre (1234)

«Moi, Ruffin Falconus, je confesse avoir reçu et eu en commande de toi, Otton Ferrario, drapier, huit pièces de drap de soie dorée, estimées et appréciées soixante douze livres de Gênes (...). Cette commande, avec la permission de Dieu, je dois la porter à la foire de Provins et en Flandre pour la négocier et, de là, revenir à Gênes (...). Au retour, une fois déduit le capital, je dois avoir le quart du gain».

R. Doehaerd,
Les relations commerciales entre Gênes, la Belgique et l'Outremont, t. II, Bruxelles, 1952, p. 234.



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