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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Le baril au Moyen-âge

Dictionnaire du Moyen-Age

Par
Eugène Viollet-le-Duc

Eugène Viollet-le-Duc

(barris, barisiaux). Petits tonneaux faits habituellement de bois précieux : « Barisiaux de ciprès (1) ». Les barilliers formaient une corporation à Paris, et ne pouvaient employer que certaines qualités de bois, savoir : le cœur de chêne, le poirier, l'alisier et l'érable ; ils façonnaient aussi les barils en bois de senteur (2).

On faisait encore des barillets d'ivoire : « Quatre barils de ivoir garny de laton (3) » ; d'argent, que l'on plaçait sur les buffets et dressoirs pendant les repas, et qui contenaient des liqueurs, des eaux de senteur, de la moutarde : « A Guillaume Arode, orfèvre, pour avoir rappareillé et mis à point un baril d'argent à mettre moustarde, pour le Roy, pour ce — XII s. p. (4) » ; des sauces froides, condiments : — « Deux barils d'argent blanc, à mettre saulces, fermant à clef, pesant XVII marcs (5). »

Ces barils de buffets étaient parfois richement ornés et portés par des figurines : « Un baril de bois, tout à œuvre de Damas, ouvré d'argent doré, dont les deux fons sont d'yvoire à ymaiges enlevées, séant sur quatre angelz d'yvoire chacun tenant un doublet, et y a une ceinture azurée clouée de doux de semblable œuvre — XXIV liv. t. (6) »

Barils que l'on transportait au moyen d'une courroie.

Figure 1.

— Ces sortes de barils s'ouvraient par l'un des bouts ou étaient munis d'un petit robinet. Il y avait aussi des barils que l'on transportait au moyen d'une courroie, sur les épaules ou sous le bras. Les religieux quêteurs s'en allaient avec des barils sur l'épaule, demander du vin ou de l'huile (fig. 1) (7).

Chez les grands, la charge de barillier était importante. Le duc de Bourgogne (Charles le Hardi), écrit Olivier de la Marche, « a deux barilliers, lesquels doivent livrer l'eaue au sommelier pour la bouche du prince, et avoir le soing des barils que l'on porte en la salle pour la grande despense. » (II y avait beaucoup d'ordre dans la maison des ducs de Bourgogne).

« Et aussi doivent-ils mettre en escript les quarts de vin (barils) qui se donnent par jour et despensent, noter ceux lesquels sont hors d'ordonnance (qui ne sont pas de mesure), les crues (fournitures) qui se font, « à quoy, qui et comment, et aussi combien, pour les bailler au sommelier, afin d'en rendre compte au bureau, et dessoubs eux (les deux barilliers) a (il y a) deux porte-barils, qui doivent porter les barils du commun de l'eschansonnerie en la salle. Et en la cave doit avoir un portier, afin que nul homme n'entre où est le vin du prince, sans estre cognu, ou par congé (8). »

Les barils de table, de bois, posés pendant les repas, sur les crédences et buffets, étaient maintenus par des supports de cuivre, d'argent ou de vermeil, et ceux des princes étaient fermés par un cadenas. L'officier (échanson) chargé de faire l'essai avait la clef de ce cadenas. La figure 2 présente un de ces barils avec son support (9), consistant en deux figurines de hotteux portant deux crochets A sur lesquels le sommelier dépose le baril. Le moraillon B du cadenas fermait la bonde ; il a été ouvert, et un robinet a remplacé cette bonde. Les figurines sont fixées sur un plateau à rebord, afin que le liquide ne puisse égoutter sur la table de la crédence. Un gobelet est placé sous le robinet, prêt à être rempli.

Baril avec son support.

Figure 2.

Ce n'est qu'au XVIe siècle que l'on a commencé à placer sur les tables à manger des flacons contenant les boissons ; jusqu'alors, chez les personnes riches et les grands, les convives passaient leurs gobelets aux échansons, valets ou pages, qui étaient chargés de les rapporter pleins (voyez coupe, gobelet, hanap). A l'article table du Dictionnaire du mobilier (10), on voit un repas pendant lequel les convives, suivant l'antique usage des Germains, boivent en dehors de la table.

Ce n'étaient donc pas des bouteilles que l'on apportait pour les repas, mais des tonneaux, pendant l'époque primitive de la conquête des peuples du Nord, et plus tard, quand les mœurs s'adoucirent, des barils. Au lieu de poser ces barils à terre, on les mit sur des crédences, puis sur des supports, pour faciliter le service, et l'on fabriqua ces objets avec des matières plus ou moins précieuses.

On donnait aussi le nom de barisiaux ou barillets à de petites boîtes cylindriques avec couvercle, fermant à clef, faites d'ivoire ou de bois précieux, montées en argent. Ces boîtes servaient à renfermer des parfums, des épices rares. On en trouve encore quelques-unes dans nos musées, d'une époque assez ancienne. Ces objets paraissent avoir été, dans l'origine, fabriqués en Orient, car il en existe quelques-uns qui sont évidemment dus à des artisans d'outremer. Le trésor de la cathédrale de Narbonne possède un de ces barillets d'ivoire avec une inscription arabe, qui paraît dater du XIII siècle.

Voici (fig. 3) un barillet de fabrication française du commencement du XIII siècle (11).

Barillet de fabrication française, XIIIe siècle.

Figure 3.

Les cylindres de la boîte et du couvercle sont tournés ; le fond et le dessus rapportés, ainsi que l'indique le détail (profil A). Les montures sont d'argent. La boîte de la serrure à moraillon est faite de même métal et très-finement gravée (voy. le détail B). En D est donné le détail de l'attache de la charnière. Ce barillet à 0,105 m de hauteur sur 0,11 m de diamètre. Il porte sur trois pieds d'argent maintenus au fond par des rivets.

  1. Invent. d'Artois. 1313.
  2. Livre des mestiers d'Etienne Boileau.
  3. Invent. de Pierre Gaveston.
  4. Comptes royaux.
  5. Idem.
  6. Invent, du duc de Berry, XIVe siècle.
  7. Manuscr. anc. fonds Saint-Germain, n° 37, Biblioth. imper.
  8. Olivier de la Marche, Etat de la maison du duc de Bourgogne (Coll. des mémoires).
  9. Invent, de Charles V.
  10. Sur ce site.


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