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Le bassin au Moyen-âge

Dictionnaire du Moyen-âge

Par
Eugène Viollet-le-Duc

Eugène Viollet-le-Duc

(bacin, bachin). Il y avait plusieurs sortes de bassins : les bassins à laver avant et après le repas ; les bassins de toilette ; les bassins à barbe ; les bassins des offrandes, à l'église, ou de mariage ; les bassins à puiser de l'eau ; les bassins magiques et les bassins à lampes. La forme de ces diverses sortes de bassins se rapproche toujours de celle d'une large capsule.

Les bassins à laver sont habituellement doubles ou accompagnés de leur aiguière, et ces ustensiles apparaissent dès la plus haute antiquité. Les sculptures et peintures de l'Egypte montrent des bassins à laver avec leur vase propre à contenir de l'eau. On en voit figurés sur les bas-reliefs de l'antiquité grecque et sur les peintures de leurs poteries.

Les vignettes des manuscrits grecs des premiers siècles du christianisme indiquent la continuité de l'emploi de cet ustensile. Le beau psautier de la Bibliothèque impériale, qui date de la fin du IXe siècle (1), dans la vignette qui représente la maladie d'Ezéchias, reproduit un de ces bassins à aiguière d'une composition remarquable (fig. 1). Cet objet paraît être de terre cuite, le bassin à laver est muni d'un goulot qui sert en même temps de manche, de manière à pouvoir vider le contenu dans un évier, sans avoir à craindre les éclaboussures.

Bassins à aiguière

Figure 1.

Ces goulots (biberons) se retrouvent adaptés à des bassins destinés à cet usage, pendant toute la période du moyen âge. En effet, on voit encore dans nos musées (2) des bassins doubles (gémillons) qui datent des XIIe et XIIIe siècles, dont l'un est muni d'un orifice latéral. Tel est le célèbre bassin trouvé près de Soissons, et qui fait partie de la collection de la Bibliothèque impériale (fig. 2).

Bassin en cuivre rouge.

Bassin en cuivre rouge.

Figure 2.

Ce bassin est de cuivre rouge avec émaux champlevés. Les fonds sont bleus et les figures, qui représentent des joueurs d'instruments, se détachent en or sur ces fonds. Le goulot de vidange est en forme de tête de dragon (3). Les inventaires des trésors des princes mentionnent un grand nombre de ces- bassins d'argent et même d'or. Dom Vaissette rapporte (4) que Sisenand, l'un des principaux chefs des Wisigoths, demandant des secours à Dagobert, lui offrit, au prix de ce service, un riche bassin d'or qui était conservé dans le trésor de la couronne.

Plus tard les Wisigoths, n'ayant pas voulu souffrir que cet objet passât en des mains étrangères, le rachetèrent 200 000 sols d'or, et ce serait avec cette somme que Dagobert aurait fait élever l'église de Saint-Denis. Si l'histoire est vraie, ce bassin était un cratère de plusieurs mètres de circonférence. Aussi ne garantissons-nous pas le fait, malgré tout ce que l'on sait de la richesse du trésor des souverains wisigoths.

Dans l'inventaire du duc d'Anjou, dressé vers 1365, on ne compte pas moins de soixante grands bassins d'argent et de vermeil, parmi lesquels plusieurs sont émaillés et munis de biberons, c'est-à-dire de goulots. Ces bassins sont généralement désignés sous le titre de bassins à laver sur table. « Deux bacins d'argent, dorez dedenz et dehors, ensizelez les bors de menuz feuillages, et ou fons de chascun a un esmail ront d'azur sur lequel a .II. papegaux (perroquets) vers, qui s'entreregardent, et tient chascun en son bec une longue feuille vert, et dessure leur testes a un serpent volant. Et en l'un d'iceux bacins a un biberon qui est d'une teste, et poisent en tout XI mars (5). »

Nos musées possèdent un grand nombre de bassins de vermeil, d'argent blanc ou d'étain, qui datent du XVIe siècle. Plusieurs sont d'un travail excellent et habituellement accompagnés de leur aiguière. Voici un de ces objets, datant de la fin du XV siècle (fig. 3) (6).

Bassin du XVe siècle

Figure 3.

A l'occasion de certaines cérémonies, ou pour donner à laver à table à de grands personnages, on devait donc se servir de deux bassins, l'un couvrant l'autre. Celui de dessous était seul muni d'un goulot et contenait l'eau à laver, dans laquelle on jetait des essences, de l'eau de rosé, etc. Au moment du lavement des mains, « le maistre d'hostel appelle l'eschanson et abandonne la table et va au buffet et treuve les bacins couverts que le sommelier a apportés et apprestés, il les prend et baille l'essay de l'eauë au sommelier » (c'est-à-dire fait reconnaître par le sommelier, dont c'est la charge, si l'eau est préparée comme il convient), « et s'agenouille devant le prince, et lève le bacin qu'il tient de la main senestre, et verse de l'eau de l'autre bacin sur le bord d'iceluy, et en fait créance et essay, donne à laver de l'un des bacins et reçoit l'eauë en l'autre bacin, et sans recouvrir les dits bacins, les rend au sommelier (7). »

Cette description explique clairement l'usage de ces bassins doubles si fréquemment relatés dans les inventaires. Dans ce cas, il n'était pas besoin d'aiguière. L'eau aromatisée était préparée dans l'un des bassins muni d'un goulot, l'autre bassin était placé sur celui-ci. L'échanson prenait de sa main droite le bassin du dessous, contenant l'eau, de la gauche il enlevait le bassin du dessus et versait l'eau du premier bassin dans le second par le goulot, sur les mains du personnage auquel on donnait à laver ; l'opération achevée, il passait au sommelier les deux bassins (fig. 4). Ainsi peut-on se rendre un compte exact de l'utilité de ces goulots (biberons) dont étaient munis certains bassins.

Usage du bassin par l'échanson

Figure 4.

Ce cérémonial n'était adopté que pour les princes. L'officier donnait à laver aux autres personnes en versant de l'eau d'une aiguière qu'il tenait de la main droite, sur leurs doigts ; cette eau tombait dans le bassin qu'il soutenait de la main gauche.

Dans les inventaires, d'autres bassins sont mentionnés « pour chaufouère ». Ils sont plats et servaient de réchauds, au moyen d'un double fond que l'on remplissait de cendre chaude.

Les bassins de toilette « à laver la teste » étaient plus creux que ceux à laver sur table ; ils étaient grands, fabriqués en argent ou en cuivre, et munis d'un goulot. Lisses par dedans pour pouvoir être facilement rincés et ne pas retenir le savon, leur dehors était parfois orné de gravures ; mais leur dimension ne permettait pas de les émailler. Ces bassins étaient posés à terre sur des nattes, et l'on se lavait à genoux, non-seulement la tête, mais le haut du corps (fig. 5) (8). « Un bacin crois (creux), d'argent tout blanc (uni) à laver la teste, et poise xi mars vii onces 5 (9). »

Bassin de toilette

Figure 5.

Les bassins à puiser étaient quelquefois munis d'anses ou d'oreilles (voy. écuelle, puisette). Quant aux bassins à lampes, ils étaient placés sous les petites lampes qui garnissaient les lustres, pour que l'huile ne pût tomber sur le sol en cas de fuite (voy. lampe). On en voit encore attachés à quelques couronnes de lumières.

Les bassins magiques servaient aux sorciers à prédire l'avenir, comme aujourd'hui encore un vase rempli d'eau sert aux charlatans qui courent les campagnes, à faire retrouver les objets perdus.

  1. De la collection de M. Arondel
  2. Comment. des Pères de l'Église grecque sur les Psaumes, n° 189.
  3. Notamment au musée du Louvre, au musée de Cluny.
  4. Notre figure est au quart de l'exécution. Ce bassin devait avoir son double, sans orifice, ainsi que la plupart des bassins à laver, désignés souvent, dans les inventaires, sous le nom de gémillons. Nous engageons nos lecteurs à recourir à l'article de M. Darcel, sur les bassins émaillés, inséré dans les Annales archéol. de Didron (t. XXI, p. 190), qui donne la copie exacte d'un de ces bassins émaillés, avec écus armoyés, provenant du trésor de l'abbaye de Conques. Ce même article reproduit une vignette d'un manuscrit du XIIIe siècle, de la Bibliothèque impériale (fonds Saint-Germain, latin, n° 37), qui représente Pilate se lavant les mains ; un serviteur se sert des deux plats. Nous rendons compte plus loin de cet usage.
  5. Hist. du Languedoc, 1.1, p. 252.
  6. Inventaire du duc d'Anjou.
  7. Tapisserie de Nancy.
  8. Olivier de la Marche, Etat de la maison de Charles le Hardy. (Coll. des mémoires, Michaud, Poujoulat, t. III, p. 588)
  9. Ménagier de Paris


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