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Les freppes

Une décoration du vêtement à la fin du Moyen-âge

À la fin du XIVe siècle une nouvelle mode connaît
un grand succès dans toutes les cours européennes :
la comptabilité tenue par les comtes puis les ducs
de Savoie témoigne de cet engouement.

"Frepe" en ancien français, ou "frappa" en latin médiéval, désigne le lambeau d'étoffe ou la déchirure d'un vêtement. Quand ce terme apparaît dans les comptabilités des comtes puis des ducs de Savoie, il perd cette connotation négative et désigne un type bien particulier de décoration assimilé à des découpures de formes plus ou moins originales, allant de la simple incision formant des franges à la ribambelle florale. Elles agrémentent les vêtements, les chaperons et les équipements équestres de la famille princière.

La récolte de melons d'Inde et de Palestine, Tacuinum Sanitatis, XIVe s.

La récolte de melons d'Inde et de Palestine, Tacuinum Sanitatis, XIVe s.
Le bas de la robe est découpé de longues bandes d'étoffes en forme de grappes.

Cette mode n'est bien entendu pas une spécificité savoyarde puisque les comptabilités des rois de France et des ducs de Bourgogne en font état sous les termes cette fois de « descope » ou « decoppeture ». Les textes plus descriptifs, comme le Journal d'un bourgeois de Paris, parlent de « deschiquetures» ou de vêtements «destranchés »; les sources littéraires recourent à un champ lexical plus poétique, qualifiant les habits de « langues », « entaillés », « rigotés » ou encore «alligotés». D'ailleurs l'ensemble des images médiévales reflète l'enthousiasme des princes européens pour cette nouvelle mode.

Joueur d'échecs, vitrail provenant de l'hôtel de la Bessée à Villefranche-sur-Saône, 1430-1440

Joueur d'échecs,
vitrail provenant de l'hôtel de la Bessée à Villefranche-sur-Saône, 1430-1440
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Cet homme porte un chaperon coiffé à l'envers à la mode du XVe siècle. L'ouverture ovale où, au XIVe siècle, apparaissent le visage, est enfoncée autour du crâne et le reste du chaperon drapé savamment sur la tête. Les freppes imitent un feuillage et chaque feuille est décorée de petits trous, peut-être percés à l'emporte-pièce. Les découpures qui reposaient à l'origine sur le torse encadrent désormais le visage.

La nouveauté est la plupart du temps adoptée en priorité par les jeunes hommes des cours princières. En Savoie, c'est pourtant un comte âgé de 44 ans en 1378 (AmédéeVI) qui introduit les freppes à la cour. Il s'en réserve le port exclusif jusqu'à sa mort en 1383. Son successeur, Amédée VII (1383-1391), ne fait confectionner qu'un seul vêtement freppé.

Très riches heures du duc de Berry

Détail du mois d'août, Très riches heures du duc de Berry, enluminées par les frères Limbourg, 1414-1416. Motif utilisé pour la décoration des équipements d'apparat des chevaux princiers. Le harnais est en cuir recouvert d'étoffe.

C'est surtout sous le gouvernement d'Amédée VIII (1391-1434) que la mode se développe. Cette décoration s'impose sur les vêtements de la « familia » ducale : les fils légitimes, les bâtards mâles, les instructeurs des enfants, les pages et quelques grands officiers de l'hôtel en bénéficient. En revanche, le petit personnel de l'hôtel, qui reçoit pourtant une dotation vestimentaire chaque année, n'en est jamais pourvu. Amédée VIII cesse de s'en faire confectionner à partir de 1419. On peut sans doute déjà voir dans cette décision la volonté d'une vie plus ascétique, qui le conduit à abandonner le pouvoir à son fils en 1434 et à se retirer à Ripaille, près du lac Léman, au sein d'un ordre érémitique. Malgré tout, la mode reste bien vivante à la cour et la fabrication explose entre 1430 et 1440.

Les époux Arnolfini (détail)

Les époux Arnolfini (détail)
Les découpures cousues à la manche de l'épouse sont peu communes. Le motif de vroix se répète à profusion. Trois bandes de huit croix sont alignées sous l'ouverture de la manche et sont ensuite superposées trois par trois sur l'ensemble de la manche..

Précisons que cette mode n'est pas uniquement masculine : la comptabilité enregistre aussi des commandes pour les filles, les brues et les bâtardes d'Amédée VIII, ainsi que pour les femmes de haut rang en résidence à la cour. Après un demi-siècle d'existence, les freppes disparaissent presque totalement entre 1440 et 1450, et font placée ce que les scribes savoyards nomment la « monstre » : une longue découpe de la manche du vêtement qui débute à mi-bras et s'arrête au-dessus du poignet. La chemise devient alors un élément visible de la vêture et aussi un enjeu de mode.

Article extrait d'HISTOIRE ET IMAGES MEDIEVALES thématique n° 06
Un excellent magasine sur le Moyen-Âge dont je vous conseille vivement la lecture Site du magasine


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