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476, la fin de Rome.

En 476, le Barbare Odoacre dépose
l'empereur Romulus Augustule mettant
fin à un empire d'Occident moribond.
La date est retenue comme la fin d'une
époque, celle de l'Antiquité, et le début
d'une autre, le Moyen Âge. Faut-il pour
autant parler d'un monde en déclin ?

Stéphanie Bonato-Baccari

En dépit de l'impact profond qu'il laissa dans les esprits, le sac d'Alaric, en 410, n'est qu'un des jalons qui mèneront l'Empire romain à sa perte. Loin de constituer un événement unique, ce pillage en appellera d'autres jusqu'à la chute définitive de l'Empire romain d'Occident en 476. Sans entrer dans les détails d'une histoire événementielle extrêmement complexe, force est de constater qu'une des caractéristiques majeures du Ve siècle est d'être une période de mouvements intenses de populations. Depuis les troubles de 406, le pouvoir romain doit combattre les Barbares loin à l'intérieur de ses terres. Et la scission de l'Empire en 395 n'est pas pour arranger les choses. Constantinople fait tout pour détourner ces peuples vers l'ouest. Après le désastre de 410, l'empereur d'Occident Honorius n'a d'autre choix que de dérouter, en 412, les Wisigoths vers l'Aquitaine et l'Espagne.

Le Colisée, est un amphithéâtre elliptique situé dans le centre de la ville de Rome

Le Colisée, est un amphithéâtre elliptique situé dans le centre de la ville de Rome,
entre l'Esquilin et le Caelius, le plus grand jamais construit dans l'Empire romain.

Le répit ménagé par cette mesure est écourté par la pression qu'exercent les populations venant d'Asie. Les Huns, unifiés par le terrible Attila en 435, se mettent en marche, chassant d'autres peuples sur leur passage. Ils tentent de se frotter à Byzance, puis se tournent vers l'Occident et franchissent le Rhin en 451. Organisant la résistance, Aetius, un général romain formé à la cour de différents peuples barbares, tente de maintenir encore pour quelque temps une forme d'autorité romaine en Occident. Il réussit à barrer définitivement la route à Attila lors de la bataille du Campus Mauriacus ou Champs Catalauniques, non loin de Troyes. Après avoir de nouveau tenté de fondre sur l'Italie en 452, les Huns se replient à la mort de leur chef en 453. L'instabilité politique aidant, Rome n'offre qu'une faible résistance aux Barbares. Prétendants à l'Empire, usurpateurs et généraux s'imposent tour à tour en jouant de leurs alliances avec les Barbares. Ces derniers s'installent dès lors où bon leur semble en attendant leur heure. Les différentes factions en présence sont désormais en mesure d'imposer leurs revendications.

Honorius

Depuis le règne d'Honorius (ci-dessus) en 395, les Barbares augmentent leur
pression sur l'empire d'Occident. Les Romains doivent recourir à l'aide des
Barbares, dont les Wisigoths, pour battre les Huns, en 451, aux Champs
Catalauniques, près de Troyes.

Pour gouverner, l'alliance avec les Barbares est déterminante

Après le sac de 410, Rome prête en 455 le flanc aux attaques de Genséric et ses Vandales, arrivés tout droit d'Afrique. En 472, Ricimer, un général d'origine barbare émerge comme le nouvel homme fort de l'empire d'Occident. Enfin, à la fin de l'été 476, les troupes germaniques de l'armée romaine se révoltent après avoir revendiqué, sans succès, les mêmes droits que les peuples installés désormais dans l'Empire. Leur chef Odoacre, d'origine barbare lui aussi, dépose le jeune Romulus Augustule en imposant au sénat la restitution des insignes impériaux à l'empereur d'Orient. Étrange ironie de l'histoire : Romulus Augustule, au règne avorté, porte à la fois les noms du fondateur mythique et du premier empereur de Rome ! Odoacre prend le pouvoir en Italie et le titre de roi jusqu'en 493, date à laquelle l'Ostrogoth Théodoric le renverse, avant de s'établir à Ravenne.

Les Vandales, conduits par leur roi Genséric.

Remontant d'Afrique du Nord, les Vandales, conduits par leur roi Genséric,
saccagent Rome en 455 avant de conquérir la Sicile en 468.

Les Ostrogoths de Théodoric règnent dès lors sur la Rhétie, la Dalmatie, le Norique, la Pannonie et l'Italie. Les Wisigoths sont maîtres de la quasi-totalité de l'Espagne et du sud de la Gaule jusqu'à la Loire, la Saône et le Rhône tandis que les Burgondes disposent d'une grande partie du sud-est de la Gaule. Depuis l'incursion hunnique, les Francs occupent quant à eux le nord de la Gaule, abandonné par l'Empire. Parmi ces peuples subsiste une enclave romaine en Belgique Seconde, le « royaume » de Siagrius, descendant d'une grande famille sénatoriale. Cet îlot de romanité est peu à peu réduit aux cités de Soissons, Senlis et Beauvais. Il s'allie aux Francs, qui, à partir de cette région, se lancent peu après 476 dans la réunification de l'ensemble de la Gaule, posant les bases du royaume mérovingien.

Malgré la fin de l'Empire, la culture antique ne disparaît pas

Au vu des événements qui se succèdent, la date de 476, retenue unanimement comme charnière entre les périodes antique et médiévale, peut paraître bien arbitraire. Bien sûr, le dernier empereur romain d'Occident est déposé à cette occasion, ce qui signifie la fin effective de l'autorité romaine sur ces territoires. Mais la culture antique ne disparaît pas pour autant. Car, avant de s'installer définitivement sur les dépouilles de l'Empire, les nouveaux venus en ont assuré la défense aux frontières, sous forme de contingents de Lètes (1) ou de fédérés, ont infiltré l'armée jusqu'au sommet de sa hiérarchie et soutenu les empereurs. Ces populations se sont par conséquent implantées au cœur de régions romanisées depuis des siècles et, face à une culture dominante, ont tenté de conserver leurs particularités. Ces nouvelles sociétés possèdent en effet une structure bien à elles, fondée sur le pouvoir et le prestige d'un chef secondé de guerriers formant une aristocratie. Le temps aidant, les points de contact entre les populations ne cesseront de s'intensifier, poursuivant un processus initié dès l'installation des premiers royaumes barbares dans l'Empire. Ainsi, à partir du Ve siècle, dans les territoires contrôlés par les populations germaniques, se côtoient, s'opposent, puis collaborent les héritiers des riches familles de culture romaine et les aristocraties germaniques, certaines converties au christianisme ou à une de ses hérésies, l'arianisme. Après la chute de l'empire d'Occident, les rois barbares continueront de porter des titres romains et de frapper monnaie à l'effigie des empereurs d'Orient mais ils tenteront, dans le même temps, de conserver leurs spécificités en matière de mariage (2) et de droit. Ces disparités entre les différents groupes sociaux se poursuivront jusque fort tard dans le haut Moyen Âge.

Pièce d'or (solidus) à l'effigie de Romulus Augustule

Pièce d'or (solidus) à l'effigie de Romulus Augustule,
le dernier empereur d'Occident (475-476).

D'un autre côté, la nouvelle donne politique favorise l'interpénétration des cultures. Les descendants des élites romaines vont jusqu'à adopter le costume barbare tandis que les nouveaux venus conservent nombre de structures héritées d'un Empire romain, auréolé encore à leurs yeux d'un prestige non négligeable. On les verra, par exemple, pendant plusieurs générations reconnaître la prééminence honorifique de l'empereur d'Orient.

Peu à peu le fossé se creuse entre les deux parties de l'Empire. Le grec se perd en Occident pour rester l'apanage de l'empire d'Orient qui se recentre sur son héritage hellénique. Dans le même temps, les dialectes germains s'ajoutent au latin sans jamais le remplacer dans sa fonction de langue de communication usuelle entre les communautés. Les descendants des élites romaines resteront par conséquent les détenteurs d'une culture latine qui fascine toujours l'aristocratie barbare. La transition entre l'Antiquité et le haut Moyen Âge n'est donc pas seulement liée aux invasions, c'est aussi le résultat de changements culturels profonds.

Un monde en déclin ?

Peut-on parler d'un monde en déclin ? La vision pessimiste d'une période d'insécurité permanente et totalement invalidante sur le plan économique tend à s'éloigner. Les derniers siècles de l'Empire romain voient en effet alterner des périodes moins prospères et des cycles de reprise qui permettent de suivre sur le long terme des échanges commerciaux non négligeables.

La vision simpliste d'un monde en déclin est aussi battue en brèche par les nouvelles recherches archéologiques. Ainsi le repli urbain au sein de murailles étriquées est relativisé par des découvertes nouvelles, notamment celles de zones d'habitat et d'artisanat provisoires ou définitives, de nécropoles et de fondations religieuses hors les murs. Depuis le IVe siècle, on assiste, parallèlement à l'émergence d'une société chrétienne, à la construction de nombreux édifices de culte. En corollaire, certains édifices publics et païens perdent leur fonction, tombent en désuétude et sont parfois réoccupés par des opportunistes ou des installations artisanales, donnant l'impression d'un recul là où il n'y a que modification des centres d'intérêt de la population.

Le choc de 476 ne constitue donc pas une fin en soi. Il est plutôt le révélateur d'une évolution longue mais inéluctable qui conduira la société occidentale de l'Antiquité au haut Moyen Âge. Pourtant, cette période de transition contient encore de nombreuses zones d'ombre. Gageons que les recherches futures permettront d'en venir à bout et de dresser un portrait de la société du tournant des Ve et VIe siècles tout en nuances.

  1. Descendants de Germains captifs.
  2. Les mariages mixtes seront ainsi interdits dans le royaume mérovingien jusqu'au VIIe siècle.


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