Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée

Les légendes des quatre Ardennes - Frédéric Kiesel

Le lièvre et le moine

Je ne sais pourquoi, les histoires de sorciers et de sorcières sont particulièrement nombreuses dans la tradition de l'Ardenne méridionale. Celle-ci se passe sur une colline d'Ardenne française où quelques moines avaient installé un petit couvent appelé Sainte-Marie-du-Mont.

Leur pieuse présence et leur prédication dérangeaient fort un vieux sorcier vivant dans une caverne des environs. Ce nécromant terrorisait depuis longtemps, par ses maléfices, les villageois de la région. Il s'était juré de faire fuir les cénobites dont la sainte influence combattait la sienne et les vieilles superstitions païennes.

Le sorcier se mit donc à tourmenter, de toutes les manières, les pauvres moines. Il envoya des ouragans arracher le toit d'ardoises de leur humble cloître, déraciner des arbres de leur verger. Il dépêcha des rats pour dérober leurs provisions, fit tomber des trombes d'eau pour noyer leur potager. Mais les religieux tinrent bon, alors que, seule, la croix de leur chapelle résistait aux calamités et aux tornades.

Pourtant, sachant que la résistance humaine a des limites, le supérieur de la petite communauté fit une neuvaine de prières pour que ses compagnons soient épargnés. Il fut exaucé, et, dès lors, seul en butte aux tracasseries du sorcier. Celui-ci prit l'habitude de venir, sous la forme-d'un chat, d'une chauve-souris ou d'un lièvre, le déranger dans ses oraisons. Il se plaisait surtout sous cette dernière apparence, semant le désordre parmi les livres de prières, cassant les carreaux et menant grand tapage par ses sarabandes.

Toute patience a ses limites. Un jour, le supérieur décida de jouer un tour à son ennemi. Il disposa un collet de braconnier dans l'ouverture de la petite fenêtre que le sorcier-lièvre traversait pour venir faire ses sabbats dans la cellule. Tout nécromant qu'il était, l'animal endiablé, trop sûr de lui, tomba dans le piège. Pendant qu'il s'y débattait, le moine prit un couteau et lui coupa une patte. Le lièvre s'enfuit en boitillant, et l'on ne revit jamais le sorcier, car lorsqu'un homme se métamorphose en animal, et que cet animal est amputé d'un membre, il ne peut revenir à sa forme humaine que si le membre repousse. Hélas pour lui, le nécromant n'était pas un assez grand sorcier pour avoir ce pouvoir-là.

Quand le lièvre à trois pattes mourut de vieillesse, quelques années plus tard, il redevint, au moment de mourir, l'homme qu'il avait été. Des chasseurs découvrirent dans les bois son corps amputé d'une jambe.




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