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La Chasse infernale.

Légendes et contes du pays de Charleroi

Jumet

La rue Mestdagh, qui débouche dans la rue Frère Orban, relie la Coupe à l'ancien Bois Saint-Charles, que la rue Destrée a recouvert. Le décor actuel empêche d'imaginer qu'autrefois elle était à un chemin forestier sur toute sa longueur. Elle ne quittait, en effet, le Bois Saint-Charles que pour s'engouffrer sous les arbres du Bois de la Coupe. En ce temps-là, on la nommait la rue du Grand Veneur.

Ainsi sauvegardait-elle une tradition répandue en Wallonie comme partout en Occident, de la Normandie à la Carinthie, du Danemark à la Silésie, de la Norvège à l'Autriche : la légende de la Chasse infernale...

Extérieur nuit. Il neige. Un bruit de pas dans les congères. Un chemineau égaré. Sous la voûte ouatée, le vent se précipite. Le futaies fantômes se couchent. La tempête se lève.

A l'approche de minuit, le voyageur, peu rassuré, presse le pas. Les flocons continuent à balafrer sa route. Mais un bruit soudain déchire l'obscurité : un son lointain de cor de chasse. Le voyageur suspend sa marche : des chasseurs ! A cette heure ! Par cette neige !

Une rumeur roule au loin. Un grondement sourd approche. Des aboiements de chiens, un galop de chevaux, des hurlements de cavaliers se précisent.

La chasse fantastique émanée de la nuit vient de franchir l'orée du Bois Saint-Charles. Elle déferle maintenant comme un torrent sous la cathédrale des arbres. Des centaines de chiens annoncent la chevauchée qui passe en hurlant dans les ténèbres. Les naseaux des coursiers crachent des flammes. Maître de ce cortège, le Grand Veneur paraît enfin, dressé sur un cheval noir, escorté de ses chasseurs maudits.

Talonné sans répit, la tête tournée vers l'arrière, il présente ainsi au voyageur son visage de cadavre et ses orbites en feu. Fou de terreur, le pauvre homme essaie bien de s'enfuir. Mais il est cloué sur place. Il sait que, s'il reste sur le chemin, la horde sauvage va l'entraîner dans sa course démente. Alors, il se jette sur le sol durci, boule derrière un tas de bois coupé, trace un cercle dans la neige, y dessine une croix. Pas le temps d'en dresser une! Devant lui, les sabots déferlent dans les congères. Le Grand Veneur passe. Il s'éloigne. Les derniers hennissements se perdent dans les futaies. La forêt craque de partout.

La meute hurlante poursuit sa chevauchée sans fin. Le Grand Veneur est condamné à la conduire jusqu'au Jugement Dernier et à traquer les âmes damnées afin de les mener aux régions infernales. Le silence, à nouveau, emmitoufle le bois.

Épouvanté, le voyageur se relève et se précipite vers les premières maisons du village.
Il a vu!
Il a vu passer le Chasseur Maudit et ses cheveux sont devenus blancs comme neige.
Un peu partout, on retrouve cette tradition sous des appellations diverses: Mesnie Hellequin, chasse maligne, à Bodet, à Ribaud. Ce thème a dû, dans des temps reculés, être associé au mythe Scandinave d'Odin-Votan : pendant les nuits de tempête, les âmes des morts qui n'ont pu trouver la paix passent en hurlant dans les ténèbres et emplissent l'espace de leur chevauchée.

Odin-Votan galope en tête de la horde. C'est le seigneur du Valhalla, où reposent les guerriers tués qu'abreuvent d'hydromel et de bière les Valkyries, messagères d'Odin.

Par la suite, le thème mythique se transforme et s'enrichit de motifs nouveaux. En Wallonie, le seigneur de Bohan préside à l'un de ces galops infernaux. Durant des siècles, la légende se perpétue et envahit l'imagination populaire. Elle va même jusqu'à inspirer des poètes comme Goethe et Bùrger.

Mais la vision littéraire la plus saisissante, nous l'avons découverte chez Pélégiaque Ronsard qui, allant voir sa belle, croise la terrible galopade :

Un soir vers la minuit, guidé de la jeunesse
Qui commande aux amants, j'allais vers ma maîtresse
Tout seul outre le Loir, et passant un détour
Joignant une grande croix, dedans un carrefour,
J'ouïs, ce me semblait, une aboyante chasse
De chiens qui me suivait pas-à-pas à la trace :
Je vis auprès de moi sur un grand cheval noir
Un homme qui n'avait que les os, à le voir,
Me tendant une main pour me monter en croupe :
J'avisai tout-au-tour une effroyable troupe
De picqueurs, qui couraient une Ombre...

Quant à la bande sonore de cette apparition, c'est notre compositeur liégeois César Franck qui, s'inspirant de la ballade de Bürger, l'a composée en 1882, sous le titre Le Chasseur Maudit.

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