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Les âmes en peine

La chasse infernale

Sites et récits

Dans les récits, le canevas de la chasse infernale est partout le même. Il s'agit le plus souvent d'un seigneur local de triste renom, lequel, ayant négligé son devoir dominical pour satisfaire sa passion de la chasse, se voit condamné à errer nuitamment pendant cent ans, mille ans, voire éternellement. D'habitude, cette terrible équipée s'accompagne de détails horrifiants : chiens et montures crachent du feu, et le veneur a presque toujours les traits étiques d'un spectre. Parfois aérienne, la chasse s'accomplit dans un tintamarre épouvantable, mêlant pétarades et sonneries de cors.

La chasse infernale, dont le nom diffère selon le terroir (chasse de Manchette à Limerlé, chasse aux petits chiens à Saint-Hubert, chasse Babette à Herbeumont, fausse chasse à Rochehaut...), hante des lieux surtout désolés : des bois, des landes, des marais ; et gare à celui qui se trouve sur son chemin. Certains ont attribué ces chasses infernales à des phénomènes naturels (passage bruyant d'oiseaux migrateurs, rafales du vent dans le feuillage automnal) que la superstition populaire aurait déformés.

En Ardenne, la légende de la chasse infernale a servi d'archétype à la fameuse conversion de saint Hubert. Là encore, et comme dans beaucoup d'autres cas, une légende chrétienne s'est superposée à une légende païenne.

Le Chasseur de la Fargne

A Bohan, dans la vallée de la Semois, un seigneur de l'ancien temps, avide et despote, fut condamné à chasser éternellement en expiation de ses rapines. On le rencontrait parfois, à minuit, dans le bois de la Fargne, entre Bohan et Sugny. Depuis des ans, ce spectre et sa suite infernale hantaient ces lieux où personne n'osait se risquer une fois la nuit tombée.

Un soir, un habitant de Sugny s'attarda dans un cabaret de Bohan. Lorsqu'il fut sur le point de partir, ses amis l'engagèrent à rester pour ne pas s'exposer aux méfaits du chasseur de la Fargne. Mais, animé par la boisson, il dédaigna leurs avertissements et se mit en route. Quand il arriva dans la Fargne, douze coups sonnèrent à l'église de Bohan. A peine la cloche s'était-elle tue que le son d'un cor, puis des aboiements de chiens, brisèrent le silence oppressant de la nuit. Comme la chasse s'approchait à vive allure, notre homme se jeta la face contre terre. Il vit alors arriver sur lui une multitude de petits chiens fantômes, suivis de cavaliers dont les chevaux crachaient feu et flammes par leurs naseaux. Au milieu du groupe : le seigneur de Bohan, la mine cadavérique, les orbites incandescentes.

Pendant une heure, la Fargne fut piétinée en tout sens, traversée, secouée par cette chasse de damnés. Finalement elle s'éloigna, et le malheureux, encore transi de peur, put alors se relever. De retour chez lui, tout meurtri et malade de frayeur, il dut s'aliter pendant plusieurs semaines. De cette mésaventure il garda un souvenir terrifiant... et des cheveux blancs.

La Chasse infernale du Transit

Quand on va de Alle-sur-Semois à Sedan, la route croise à quelques centaines de mètres de la frontière le chemin dit de Transit, lequel relie Corbion à Sugny. En septembre 1870, les débris de l'armée française, poursuivis par les Allemands, fuyaient vers la frontière belge pour trouver refuge dans notre pays. Arrivé au chemin de Transit, un fantassin abattit un ulhan d'un coup de fusil au bas-ventre. Le corps, gonflé comme une barrique, resta à l'abandon pendant plus de quinze jours. Finalement il fut enterré sur place, et des bûcherons décorèrent sa tombe d'une croix rustique.

Un an plus tard, jour pour jour, un brasseur français regagnait son village par le chemin de Transit, bien après minuit. Arrivé à hauteur de la tombe, il crut entendre les sonneries de cors et les abois de chiens de la chasse infernale. Mais, stimulé par l'alcool et se moquant de ses appréhensions, il déclara : «Sornettes que tout cela et contes de vieilles femmes : il n'y a ni Dieu ni diable!»

A peine avait-il proféré ce blasphème qu'un coup de fusil éclata tout près de lui. La tombe s'ouvrit et le cadavre de l'Allemand, décharné et blafard, sortit de terre. Épouvanté, le brasseur prit la fuite, poursuivi par la meute infernale. Le pressant de leurs «gnaf, gnaf», les roquets se jetaient dans ses jambes pour le faire trébucher.

Plus loin, un cercueil tomba en travers du chemin. Le couvercle se souleva et un bras squelettique tenta d'agripper notre homme au passage. Affolé, le brasseur fonçait droit devant lui, les chiens et le cercueil à ses trousses. Soudain un obstacle se présenta sur son chemin. Il l'arracha. Horreur, c'était la croix du soldat! Se sentant perdu, le pauvre hère se signa. Aussitôt, toute vision disparut. Rentré chez lui fiévreux, hagard, pris de délire, il s'alita et mourut au bout d'une semaine.

La Chasse de la Forêt de Saint-Michel

Entre Saint-Hubert et Nassogne, l'antique Forêt de Saint-Michel couvre un large et haut plateau désertique, pays de fanges et de brouillards. Comme beaucoup de lieux élevés, cette forêt est placée, depuis le Moyen Age, sous l'invocation de l'archange saint Michel. Cette dédicace avait-elle alors valeur d'exorcisme? L'endroit avait-il été dans les temps anciens consacré au Mercure romain ou au Belenos gaulois ? Quoi qu'il en soit, Saint-Michel fut longtemps considéré par ses usagers comme un bois mal famé, propice aux mauvaises rencontres, infesté de bandits et de loups.

La nuit, une meute nombreuse de petits chiens traversait la forêt. Celui qui la rencontrait sur son chemin devait se garder de battre les cabots, ou de leur nuire autrement, sinon il lui arrivait malheur. Par contre, s'il aboyait avec eux, à son retour il recevait une jambe de cheval pour sa part de chasse, laquelle tombait dans la maison par la cheminée.

La Chasse du sire d'Herbeumont

Du haut de son aire, Herbeumont, redoutable forteresse de l'époque médiévale, gouverne son alentour. Bâti sur un cône rocheux de la vallée de la Semois vers 1268-1300 et détruit quatre siècles plus tard par les troupes du Maréchal de la Ferté, ce château, tourné vers la France, gardait les passages de la Semois. Ses châtelains, seigneurs et prévôts ont laissé dans la mémoire populaire des souvenirs mitigés.

D'après la légende, l'un d'eux, le comte Renaud, était chasseur ardent et cruel. Cette passion lui faisait négliger le salut de son âme. Un dimanche matin, malgré les supplications de sa dame, ce seigneur gagna les bois du Dansau. A une croisée de chemins, il vit s'avancer vers lui deux cavaliers dont la mine et le costume contrastaient singulièrement. L'un, jeune et beau, resplendissait sur son coursier blanc, l'autre, le teint bistre, le vêtement sombre, montait un cheval noir. Le premier engagea le comte à renoncer à cette chasse, le deuxième au contraire l'encouragea à la poursuivre.

Son choix fait, Renaud éperonna sa monture et lança ses chiens sur un cerf de belle ramure. En fin de journée, l'animal, brisé par la fatigue, se réfugia dans la chapelle d'un ermite. Le comte voulut pénétrer dans l'oratoire, mais l'ermite s'interposa. Brutalement, Renaud écarta l'homme et, faisant fi de ses avertissements, entra dans la chapelle avec ses chiens. Au même instant, une nuit profonde, zébrée d'éclairs, se fit autour du veneur. Satan apparut et tordit le cou de cet impie, lui tournant la tête à l'envers. Puis, emporté par son cheval, sire Renaud fut voué, jusqu'à la consommation des siècles, à se voir traqué par une meute sortie de l'enfer. Parfois, au hasard de sa chevauchée nocturne, le chasseur chassé traverse les bois du Dansau à grand renfort de cris et d'abois.



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