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Les Saints successeurs des Dieux

Sites et récits

Dans les campagnes, on considérait les saints comme des espèces de divinités pouvant accorder, à homme comme à bête, des grâces et des guérisons. On les confondait souvent avec leurs effigies, croyant celles-ci douées d'un pouvoir surnaturel et intercesseur. On s'adressait de préférence aux saints et à la Vierge, Dieu le Père étant ressenti comme trop abstrait. Pour l'église, c'est Dieu qui intervient par l'entremise du saint. Au contraire, le campagnard, plus superstitieux que religieux, croit en l'action directe du saint, exactement comme le croyaient les païens à l'égard de leurs divinités. Ainsi, le fidèle honorant le patron de sa paroisse ne voit pas en lui le héros du martyrologue chrétien, mais bien le saint de son village, avec toutes les traditions et les survivances païennes qui se sont fixées sur lui.

Le culte des saints, chargé de mythes et de légendes, encombré de superstitions, apparaît donc comme un prolongement du paganisme dans le christianisme. Les arbres, les fontaines et les pierres, récupérés par la nouvelle religion, continuèrent à recevoir les hommages de la piété populaire. Quant aux saints ermites qui avaient passé leur existence à lutter contre le paganisme en s'installant sur ses sanctuaires, ils héritèrent, après leur mort, et des fonctions et des attributs des divinités qu'ils avaient voulu supplanter. En fait, ils étaient devenus les «saints successeurs des dieux».

La Chapelle Sainte-Agathe

Sur le territoire de Haut-Pays, dans le Bois de Gerhenne, se voyait autrefois, à proximité de l'étang où on l'avait découverte, une statue de sainte Agathe installée dans un arbre. Dans le courant du XVIIIe siècle, on plaça l'effigie dans une stèle en pierre de deux mètres de haut. En 1957, pour la tirer de son isolement, le curé de la paroisse fit transporter la stèle à Haut-Pays. Une croyance assure que huit jours après son transfert, la statue avait regagné sa place primitive, toute seule et à pied, exprimant ainsi son désir de rester sur Gerhenne et d'y voir bâtir un sanctuaire.

En réalité, c'est la personne qui en avait la charge qui avait été rapporter la statue dans son site d'origine. Finalement, la stèle fut placée au centre de la localité, contre le jardin de cette personne qui, devenant âgée, accepta ce compromis. Toutefois, la superstition populaire crut longtemps que ce déplacement, contrariant la sainte, ne fut pas bénéfique au village, et qu'on aurait mieux fait de la laisser là où elle se trouvait.

Nichée au sommet de la stèle, sainte Agathe est habillée, suivant la mode espagnole, d'une robe de velours noir constellé d'étoiles et coiffée d'un voile de tulle blanc. Au mois de mai, elle revêt sa tunique d'été qui jusqu'à la Toussaint lui donne un air de jeune communiante. Mais, ce qui frappe au premier coup d'œil, c'est l'expression de son regard, une expression étrange, intense, qui lui confère une aura mystérieuse.

Sainte Agathe (fêtée le 5 février) était invoquée pour la guérison des maux de seins, ceci en souvenir du supplice qu'on lui avait fait subir. On la consultait également pour la protection du bétail, particulièrement des vaches laitières.

La Rouge Croix

Entre Saint-Hubert et La Roche, de chaque côté de la route de Champion, s'étend un vaste massif forestier peuplé de cerfs, de chevreuils et de sangliers. Là, au milieu d'une clairière dont on ressent l'antiquité, La Converserie, vieille demeure de schiste et d'ardoise, régente ces solitudes. Bien qu'elle doive son nom aux frères convers qui l'ont habitée pendant plusieurs siècles, cette ferme fut souvent considérée comme l'endroit présumé de la célèbre conversion de saint Hubert.

D'après une tradition bien ancrée dans le folklore local depuis le XIXe siècle, c'est à la Rouge Croix, petit calvaire situé à quelque trois cents mètres de la ferme, que se serait produite l'apparition du cerf merveilleux. Voici cette légende dans sa forme la plus conventionnelle. Un jour de Noël (ou un vendredi saint), pendant que ses proches se rendaient à l'église, Hubert, poussé par la passion de la chasse, s'enfonça avec ses chiens dans la forêt. A peine s'était-il lancé sous les voussures des arbres qu'un cerf vint à lui, tout blanc et portant entre ses bois le signe de la Sainte Croix. Hubert s'étant arrêté pour subir l'incroyable vision, le Sauveur lui adressa le discours suivant :
«Hubert, Hubert, jusqu'à quand poursuivrez-vous les bêtes des forêts et vous amuserez-vous aux vanités du monde?
- Seigneur, que vous plaît-il que je fasse?
- Allez chez mon serviteur Lambert, à Maastricht, il vous indiquera le chemin à suivre.»

Hubert se rendit donc auprès de saint Lambert qui l'engagea à se consacrer au service de Dieu et à mener une vie exemplaire, faite d'humilité et de charité.

La Rouge Croix, ou Enclos du Christ, se dresse dans l'angle d'un carrefour très ancien. De mémoire d'homme s'y croisaient le vieux chemin de Lavacherie, venant de Nassogne, et le Chemin des Gueux, reliant Saint-Hubert à La Roche.

La Fontaine Sainte-Barbe

Près de Bastogne, Villers-la-Bonne-Eau tire son nom d'une fontaine guérisseuse. Il y a bien longtemps, un incendie s'étant déclaré, le feu menaçait de consumer tout le village. Les habitants manquant d'eau et privés de tout secours, implorèrent sainte Barbe. Aussitôt, une source jaillit. Grâce à elle, on parvint à maîtriser l'incendie, et le village fut sauvé.

Cette fontaine, qui porte le nom de la sainte, est en fait un puits réputé intarissable, lequel se trouve dans le cimetière paroissial, à l'intérieur d'une petite chapelle construite en 1894. Il s'ouvre dans le mur latéral de l'édicule, à gauche de l'autel dédié à sainte Barbe. Une grille en garde l'accès et un seau d'aluminium, muni d'une chaîne, est laissé à l'usage des pèlerins.

L'eau de ce puits passe pour guérir les maladies de la peau (croûtes de lait, pustules, impétigos, eczémas) et ce, par simples lotions accompagnées d'une neuvaine à sainte Barbe. La porte de la chapelle, beau travail de ferronnerie, est ornée d'une tour miniaturisée, célèbre attribut de la sainte. En Ardenne comme ailleurs, le culte de sainte Barbe (fêtée le 4 décembre) était très populaire, surtout chez les carriers, les mineurs et les ardoisiers.

L'Ermitage Saint-Thibaut

Perché sur la hauteur de l'énorme promontoire rocheux du Montaigu, l'Ermitage Saint-Thibaut domine de cent cinquante mètres la vallée de l'Ourthe et le village de Marcourt (Mercurt en 1354 : ancien sanctuaire consacré à Mercure?). Erigée sur l'emplacement du château des comtes de Montaigu, dont les ruines sont encore visibles, la chapelle (1639) renferme une relique notable de saint Thibaut délivrée par l'évêché de Metz en 1646.

La dévotion à saint Thibaut est très ancienne au Montaigu. On la fait remonter jusqu'au XIIe siècle. La montagne fut longtemps un lieu de pèlerinage très fréquenté, tant à cause de la tradition qui prétend que le saint lui-même y a séjourné, qu'à cause de plusieurs guérisons miraculeuses qui s'y sont produites. Ainsi, en 1646, un prêtre de l'abbaye de Saint-Hubert souffrant d'une douleur très vive à la jambe gauche eut recours à saint Thibaut et fit déposer à sa chapelle une réplique en cire — grandeur nature — de sa jambe malade pour offrande. Quelques jours plus tard, l'homme était guéri.

En contrebas de l'ermitage, la Fontaine Saint-Thibaut sourd dans une combe profonde. Son eau a la réputation de dissiper les fièvres et de guérir les tumeurs. Les pèlerins en boivent, s'y lavent, en remplissent des flacons. Leurs ablutions terminées, ils plantent en ex-voto sur le fût d'un frêne, autrefois remarquable mais présentement abattu, de petites croix faites de deux ramilles : les creûh'lètes (les croisettes). D'après une autre superstition, on disait que si les jeunes filles faisaient trois fois le tour de la chapelle sans parler, elles étaient assurées de trouver un promis dans l'année.

Pèlerinages et processions avaient lieu le 25 mars, fête de l'Annonciation, le 3 mai, jour de l'Invention de la Sainte Croix (à cause d'une relique de la vraie croix conservée dans la chapelle) et le 1er juillet, fête de saint Thibaut (patron des charbonniers).

La Pierre Saint-Martin

Saint Martin voyageant dans les Ardennes françaises s'arrêta à Haybes. Mais à peine avait-il eu le temps de s'y reposer qu'on lui dit (on ne sait plus pourquoi !) : « Allez à Charleville chercher des bouteilles et des noix. » II partit donc, avec deux grandes charrettes : dans l'une, il devait mettre les bouteilles (vides), dans l'autre, les noix. Sa besogne terminée à Charleville, il prit le chemin du retour avec son chargement.

Arrivé sur les hauteurs de Haybes, un violent orage éclata sur la forêt. La pluie tombait à seaux et des éclairs fracassaient le ciel obscurci. Effrayés d'abord, les bœufs refusèrent d'avancer. Puis, affolés par l'explosion toute proche d'un éclair, ils partirent à fond de train, droit devant eux, et dégringolèrent la montagne en semant leurs marchandises. Les bouteilles se pulvérisèrent sur les rochers, et les noix, éparpillées sur les pentes, engendrèrent plus tard une forêt de noyers (aujourd'hui disparue) qui fut longtemps un lieu de pèlerinage à saint Martin.

Le saint homme, pensant que cette catastrophe était un avertissement des puissances célestes, tomba à genoux sur une pierre et, pendant sept années, sans bouger, y pria Dieu, pleurant ses bouteilles et ses noix. Cette pierre se trouve à Haybes, au-dessus du Moulin de l'Ermitage, le long d'un vieux chemin dévalant la colline. Également appelé Siège de Saint-Martin, le monolithe présente sur sa surface lisse différentes petites cavités ovales. Celles-ci sont considérées dans la croyance populaire comme les empreintes laissées par les coudes, les genoux et les larmes de l'illustre évangélisateur.

Le Mont Saint-Walfroy

Au sud de Margut, dans la vallée de la Chiers, la Montagne de Saint-Walfroy domine un vaste paysage. Jadis, dressée sur ce sommet, une colossale statue de Diane inspirait une grande vénération.

Dans le courant du VIe siècle, Walfroy, un ermite d'origine lombarde, s'installa sur la montagne. Défiant la déesse tutélaire de l'Ardenne, il érigea, à côté de la gigantesque idole, une colonne en haut de laquelle, imitant Siméon d'Antioche, il s'établit. Se nourrissant exclusivement de pain, de légumes et d'eau, il exhortait les idolâtres à renoncer au culte de Diane. En hiver, le froid lui faisait tomber les ongles des pieds et transformait sa barbe en glaçons. Mais l'apôtre recueillit le fruit de ses mortifications. Les païens se convertirent et aidèrent — non sans mal — le stylite à renverser et à détruire l'image de la déesse déchue.

Après la mort de l'ermite, la montagne sur laquelle il avait élevé sa colonne, devint un lieu de pèlerinage fréquenté. Une église et un monastère succédèrent à l'antique ermitage. Ainsi, le haut lieu païen fit place à un haut lieu chrétien. Malgré la translation des reliques du saint à Carignan, puis leur disparition, les pèlerins continuèrent à visiter l'endroit où le stylite avait vécu. Son tombeau — vide — fut longtemps l'objet de pratiques superstitieuses (passage rituel en dessous du cénotaphe), et une source, dite Fontaine Saint-Walfroy, située entre la 4e et 5e station du chemin de croix, avait la réputation de guérir les rhumatismes et les enfants rachitiques.

Des foires, déjà célèbres au Xe siècle, se déroulaient chaque année sur la Sainte Montagne. Fêté le 21 octobre, saint Walfroy est, aux côtés de saint Hubert et de saint Remacle, une grande figure de la Légende dorée des Ardennes.

La Fontaine Sainte-Apolline

Le recours à sainte Apolline pour les maux de dents, particulièrement chez les petits enfants, fut largement répandu dans nos contrées. Cette vierge martyre d'Alexandrie, qui vécut au IIIe siècle, aurait eu, selon la légende, les dents arrachées avec des tenailles. Son culte a souvent coïncidé avec celui des eaux curatives.

Autrefois, dans un arbre situé près de la confluence du ruisseau de la Falizette avec la Meuse, entre Saint-Menges et Vrigne-au-Bois, une statuette de sainte Apolline était exposée à la dévotion des fidèles. Pour se guérir du mal de dents, ou le prévenir, le pèlerin devait s'agenouiller devant l'effigie de la sainte et lui adresser une prière. Ensuite, il allait tremper dans le ruisseau tout proche un mouchoir, ou un linge quelconque, dont il se frottait les dents lorsque celui-ci était bien mouillé. Cette opération terminée, le mouchoir était accroché, en ex-voto, aux buissons d'alentour. Ces nombreux colifichets valurent à la sainte le nom de Notre-Dame aux ferloques (de freluche, freloche : petite loque).

Disparue pendant la première guerre mondiale, la statue ne fut pas remplacée, et le pèlerinage tomba en désuétude. Seuls souvenirs de cette dévotion : une croix plantée vers 1930 à côté de l'endroit où on vénérait la sainte, et une statue de la martyre (munie de ses tenailles) dans l'église paroissiale de Saint-Menges.

La Grotte Saint-Remacle

Vers 650, saint Remacle, accompagné de saint Adelin, fixa son ermitage à Cugnon. Celui-ci est niché dans une falaise schisteuse, à environ septante mètres au-dessus de la Semois. Il est constitué de trois grottes naturelles élargies par la main de l'homme. Ces cavités s'ouvrent l'une après l'autre sur un étroit sentier creusé à flanc de rocher. Les deux premières grottes, contiguës et séparées seulement d'une épaisseur de mur, servaient de cellules aux anachorètes. Au bout du sentier, la troisième cavité, aménagée dans une saillie du rocher et éclairée latéralement par une baie taillée en ogive, forme l'oratoire.

Remacle possédait un âne bien dressé qui, chaque matin, allait chercher des provisions au village. Le diable voulut jouer un bon tour à l'ermite. Se métamorphosant en loup, il attendit l'âne au coin d'un bois et l'étrangla sans pitié. Remacle, qui se promenait dans les parages, aperçut la scène et reconnut l'ennemi. S'approchant du loup, l'ermite lui lança son rosaire (dont un grain était fait de la vraie croix) autour du cou. Satan, ceinturé par cette relique, se mit à hurler, et Remacle profita de sa détresse pour l'affubler des paniers du défunt bourricot. Ainsi, le loup remplaça sa victime (le loup bâté est devenu l'emblème traditionnel du saint). Mais, une nuit, le fil retenant le rosaire cassa, libérant le diable.

A Cugnon, on raconte aussi que le saint avait une vache qui allait pâturer avec la herde locale et à la corne de laquelle il accrochait la collation destinée au pâtre. Cette légende est empruntée au folklore des fées, lesquelles avaient sans doute habité les grottes avant l'arrivée des deux ermites.

Le séjour à Cugnon de saint Remacle et de saint Adelin ne fut pas de longue durée. Quelques années plus tard, Remacle fonda les abbayes de Stavelot et de Malmédy, puis devint évêque de Tongres et mourut vers 670-679.

La Bonne Dame de Sainte-Ode

En aval de Lavacherie, l'Ourthe s'engage dans l'étroit défilé de Sainte-Ode. Au passage, les eaux tumultueuses de la rivière rognent les bases de l'imposante montagne du Cheslin. Comme l'indique son nom, le sommet de cette colline escarpée est couronné par une fortification protohistorique du type « éperon-barré». A mi-côte sur le versant oriental du promontoire se dresse une petite chapelle rustique, bâtie en pierres brutes. Une source, voisine de l'oratoire, dévale la pente. Pour les gens du pays, c'est la Chapelle de la Bonne Dame.

Selon la légende, l'endroit était autrefois habité par une recluse du nom de Ode. Souvent, cette femme dont on sait peu de chose, quittait son ermitage et descendait chercher du feu dans quelque chaumière de Lavacherie. Pour emporter les braises, elle les plaçait tout simplement dans son tablier, sans que celui-ci ne se consume. Ce comportement paraissant suspect, on l'accusa de sorcellerie. Un villageois qui l'insultait et la chassait honteusement, fut frappé d'un mystérieux mal d'yeux. Saisi de repentir, il alla trouver la recluse et lui apporta du pain et du feu. Lui pardonnant, elle l'envoya se laver les yeux dans la source toute proche. L'homme fut guéri, et depuis lors sainte Ode est invoquée contre les affections de la vue.

Après de longues années de solitude farouche, la Bonne Dame mourut. On la trouva agenouillée dans son ermitage, ses yeux ouverts fixés sur une petite croix. Lorsqu'on voulut s'approcher d'elle, un violent coup de tonnerre ébranla la montagne, et le corps de la morte disparut. Pour le populaire, la sainte continue d'habiter les lieux, et quand le brouillard se lève sur ces hauteurs, on dit que la Bonne Dame «fume», et ce signe est un présage certain de pluie.

La Chapelle Saint-Gaussai

Les ermites ont joué un rôle déterminant dans l'évangélisation de nos contrées. Installant leurs ermitages de préférence près des fontaines vénérées et des rochers suspects de paganisme, certains de ces religieux, canonisés par la voix populaire, sont passés à la postérité.

Dans les bois qui s'étendent entre Compogne (Bertogne) et Noville se trouve une chapelle dédiée à un saint ermite du nom de Gaussai (en wallon : Gôssê). Une statue de cet anachorète, barbu, vêtu d'une bure et d'un scapulaire cistercien, est visible à l'intérieur du sanctuaire.

On raconte qu'à la mort de l'ermite les cloches de toutes les églises voisines se mirent à sonner d'elles-mêmes, et que les paroissiens de Noville ne purent, malgré le concours de plusieurs chevaux, enlever le corps du défunt. Gaussai préférait Compogne, et il s'y laissa emmener sur un chariot tiré par un seul bœuf!

Au pied de l'oratoire, la Fontaine Saint-Gaussai était autrefois réputée pour guérir les affections de la vue. Les malades venaient s'y laver les yeux et plantaient ensuite, autour de la source, de petites croix faites de deux brins coupés aux buissons proches.

Tous les ans, le mardi qui suit le premier dimanche de mai, les reliques du saint (aujourd'hui perdues) étaient exposées à la vénération des fidèles, et un grand nombre de personnes pèle-rinaient jusqu'à l'ancien ermitage. D'après les pronostics locaux, si à la Saint-Gaussai le vénérable hêtre jouxtant la chapelle a ses premières feuilles écloses, alors l'année sera bonne pour tous (les hommes et les bêtes) ainsi que pour les moissons.

La Fontaine Saint-Fursy

Fursy, moine irlandais passé sur le continent, fonda un monastère à Péronne, dans le nord de la France, et y mourut vers 650. Suivant la tradition, le saint, de passage à Bellefontaine, aurait fait jaillir une source en frappant le sol de son bâton. Cette fontaine, dont la localité tire son nom, est située près du vieux moulin, dans un vallon profond. Son eau jouissait de certaines propriétés curatives. Une femme souffrant d'eczéma y plongea sa main malade et obtint la guérison quelques jours plus tard. A l'emplacement de la source s'élève un curieux édicule, à quatre colonnes et surmonté d'une statue de saint Fursy. Une vasque en pierre, contenant l'eau miraculeuse, facilitait les ablutions des pèlerins. Actuellement, la fontaine est tarie.

La solennité de saint Fursy, patron de la paroisse, se célèbre le 16 janvier par une cérémonie purement religieuse, avec vénération des reliques. Le pèlerinage, aujourd'hui abandonné, avait lieu le dimanche qui suit le 17 septembre (date de la translation des reliques). Ce jour-là, après la grand-messe à l'église paroissiale, la procession, bannière en tête, se rendait à la fontaine. Cette manifestation rassemblait tous les paysans de la région soucieux d'invoquer saint Fursy pour la protection des bêtes à cornes. A cette occasion, les pèlerins obtenaient une plaquette en cuivre sur laquelle était gravée, selon le modèle, une reproduction du saint ou de la fontaine. Béni et cloué à l'entrée d'une étable, ce talisman devait mettre le bétail à l'abri de toutes les maladies et épizooties.

La Crèsse Sainte-Marguerite

II y a bien longtemps, une statue de sainte Marguerite fut découverte dans une aiguille rocheuse de la vallée de l'Ourthe, en contrebas du petit village d'Ollomont. Très vite, on attribua à l'effigie une vertu miraculeuse. Déposée dans l'église paroissiale, elle s'en échappa toute seule pour regagner son rocher, marquant ainsi son désir de demeurer là où on l'avait trouvée.

Une nuit, les habitants de Nisramont, village voisin situé de l'autre côté de la vallée de l'Ourthe, voulurent s'emparer de la statue. Le rapt était presque terminé lorsque, sur le chemin du retour, le chariot transportant la sainte effigie s'immobilisa en plein milieu du gué de l'Ourthe. Les hommes eurent beau tirer, frapper les chevaux, rien n'y fit. Finalement, résignés, ils remirent la statue en place sur son rocher. C'est une reproduction de cette statue que l'on voit aujourd'hui juchée sur la Crèsse Sainte-Marguerite, bien à l'abri sous un dai de fer forgé posé en 1906.

Originaire d'Ollomont, sainte Marguerite avait établi son ermitage près de l'aiguille rocheuse. Charitable et dévouée, la recluse battait le seigle, visitait les pauvres, aidait les femmes sur le point d'enfanter. (Autrefois, les femmes enceintes se rendaient en pèlerinage jusqu'au rocher pour obtenir une heureuse délivrance.) En remerciement de ses bons offices, elle recevait des vivres et des braises ardentes pour son feu qu'elle n'hésitait pas à transporter dans son tablier. Canonisée par la voix populaire, son culte finit par se fondre dans celui de sainte Marguerite d'Antioche, plus connue et moins suspecte aux yeux de l'église.

La Chapelle Saint-Monon

Chaque année, lors de la procession dite des Remuages, le village de Nassogne honore un saint ermite, appelé Monon, qui vécut en ces lieux au début du VIIe siècle. Dans cette localité, une collégiale, une chapelle et une fontaine lui sont consacrées. Originaire d'Irlande, ou d'Ecosse, Monon passa en Gaule pour prêcher l'évangile. Installé dans la forêt d'Ardenne, en un endroit nommé Friedier, près de la fontaine Nassonia, il se livra avec ardeur à l'apostolat et fut assassiné en 636 par des bûcherons lui reprochant d'avoir renversé les autels druidiques de Forrières.

La collégiale, bel édifice baroque, renferme dans son trésor, outre la châsse de saint Monon, une clochette en fer battu — attribut courant des moines celtes — qu'un cochon aurait découverte en fossoyant le sol. Le saint s'en servait pour appeler à lui ses ouailles. Sur les hauteurs de la localité, la Chapelle de Coumont (ou Chapelle Saint-Monon) se dresse à l'endroit présumé qu'occupaient l'ermitage et la première sépulture du saint. Dans cet oratoire aux murs tapissés d'ex-voto, le cénotaphe (1639) du pieux Monon le représente en habit de diacre, accompagné de ses attributs traditionnels : une palme, un porc, une clochette.

Les Remuages commémorent le souvenir de cette inhumation primitive. Le dimanche après l'Ascension, la châsse de saint Monon est transportée, en grande pompe, de la collégiale à la chapelle de Coumont. Sur son passage, une foule se presse et prie le saint pour la protection du bétail (surtout des cochons) et des récoltes. A cette occasion, les pèlerins ne manquent pas de frotter la châsse avec des rameaux (ou de l'herbe) arrachés sur le parcours et qu'ils donnent ensuite à manger à leur bétail.

Saint Donat de Wathermal

Juchée sur une butte rocheuse dominant un petit ruisseau, l'église de Wathermal, trapue, massive, rustique, est flanquée d'une tour carrée datant de l'époque romane.

Sur l'origine de ce sanctuaire, la tradition rapporte l'histoire suivante. Jadis, un comte de Salm s'était égaré dans la forêt au cours d'une partie de chasse. Surpris par la nuit et par un orage violent, il supplia saint Donat de lui venir en aide. Dans son désarroi, il fit le vœu d'ériger en l'honneur du saint une chapelle à l'endroit même où il se trouvait. Rentré sain et sauf dans son château, le comte tint sa promesse et fit construire le sanctuaire autour duquel se développa rapidement le petit village de Wathermal.

Selon les Bollandistes, les restes de saint Donat, centurion romain et martyr (dont l'existence est hypothétique), furent retirés des catacombes et amenés en grande pompe dans le diocèse de Cologne le 30 juin 1652. Le lendemain de la translation des reliques, alors qu'une messe est célébrée en l'honneur du martyr, un orage d'une rare violence éclate. La foudre pénètre dans l'église et atteint le prêtre officiant. Celui-ci invoque Jésus, Marie, Joseph et saint Donat, après quoi il est relevé indemne.

Depuis ces événements, saint Donat, qui jouit d'une grande popularité en Ardenne, en Gaume et dans l'Eifel, est prié contre l'orage et la grêle. Pour certains, il a tout simplement remplacé le Donar germanique, dieu du tonnerre et de la foudre.

La Fontaine Saint-Gengoux

Gengoux (ou Gangulphe), saint et martyr, était un vaillant guerrier de l'époque mérovingienne qui contribua à l'évangélisation de la Frise. Un matin, lors d'une de ses campagnes, il trouva ses soldats pleurant de soif. La source la plus proche se trouvant alors en territoire ennemi, Gengoux leur dit : «Si vous voulez m'être fidèles à la prochaine grande bataille, vous aurez de l'eau à discrétion.» Les soldats promirent. Sur ce, Gengoux les quitta un moment, puis réapparut, portant sur son dos une hotte remplie de pierres et d'où s'échappait une source cristalline. Désaltérés, les soldats remportèrent une brillante victoire sur l'ennemi. Plus tard, de passage à Vielsalm, le saint planta cette source au sortir de la localité, en contrebas de la route de Petit-Thier. Actuellement, un édicule de construction récente signale son emplacement.

Très jalouse, la femme de saint Gengoux n'en trompait pas moins son mari. Un jour, énervé, il lui dit : «Je fais le serment que je vous ai toujours été, que je vous suis et vous serai toujours fidèle. Maintenant, faites le même serment. » La femme leva les deux doigts et jura. Mais, point satisfait, le saint lui proposa alors d'aller chacun tremper un bras dans la fontaine. Sûre d'elle, l'infidèle plongea son bras dans l'onde claire, puis, hurlant de douleur, l'en retira tout brûlé. Pour se venger, elle fit assassiner le saint par son amant, lequel lui brisa les jambes et l'acheva d'un coup violent sur la tête. Voilà pourquoi l'eau miraculeuse de la Fontaine Saint-Gengoux guérit les maux des yeux et des jambes, et que les jeunes promis y vont plonger leurs mains en signe de fidélité.

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