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Les âmes en peine

Les feux follets

Sites et récits

Les feux follets ou lumerettes étaient considérés comme des âmes errantes d'enfants morts sans baptême, voire comme des esprits diaboliques. On les rencontrait la nuit sous forme de petites flammèches aériennes aux abords des rivières et dans les marécages. Fascinant les voyageurs attardés, ces esprits malfaisants virevoltaient au devant d'eux et cherchaient à les attirer dans l'eau pour les y noyer.

Lorsqu'on se trouvait en présence de lumerettes, il fallait immédiatement se cacher le visage pour qu'elles ne vous vissent pas. L'idéal était de se jeter face contre terre ou de se couvrir la tête avec un sac, et de prier. Très redoutés du populaire, ces esprits pourvoyeurs de l'enfer ont terrorisé des générations de paysans trop enclins à voir dans des phénomènes naturels la marque de Satan.

L'Etang Villers

Deux bûcherons du Jardin (un écart situé entre Lavacherie et Amberloup) étaient venus travailler chez un fermier de Lavacherie. Au moment de s'en retourner, un orage très violent déferla sur la contrée. Comme la nuit approchait et que la tempête faisait rage, le paysan engagea les bûcherons à loger chez lui. Mais, sûrs d'eux, ils déclinèrent l'invitation et se mirent en route.

Ils avaient accompli une grande partie du chemin lorsque la foudre tomba devant eux. Ils décidèrent alors de se séparer, et chacun prit une direction différente. Par un hasard inexplicable, l'un se retrouva à Lavacherie où il crut prudent de passer le reste de la nuit, l'autre, moins chanceux, erra péniblement dans la campagne.

Comme ce dernier longeait une haie, une petite lumière au loin attira son regard. Au même moment retentirent des voix qui l'appelaient. Il supposa que c'était sa femme et son fils venus à sa rencontre avec une lanterne. La lumière vacillait sur la rive opposée d'un ruisseau gonflé par la pluie. L'homme entendit alors son fils lui conseiller de remonter le cours d'eau jusqu'à l'Etang Villers. Bien que la voix eût un timbre étrange, il suivit le conseil.

Arrivé sur la digue de l'étang, il appela son fils. Mais soudain, dans une clarté éblouissante, éclata un rire infernal, et un bœuf noir aux cornes menaçantes surgit alors sur l'autre rive. Terrorisé par cette apparition, le bûcheron tomba à genoux pour dévider une prière. Sur ce, l'effrayant bovidé lâcha un mugissement épouvantable et se précipita dans l'étang.

Au petit matin, l'homme, remis de ses émotions, regagna sa maison, se promettant bien à l'avenir d'être plus prudent et de ne plus défier les éléments.

Les Pie-pie-van-van

Les bords de la Meuse, entre Bogny et Braux, n'étaient autrefois qu'une suite de marais hantés par les lutins et les feux follets. Malheur au voyageur imprudent qui osait s'aventurer dans ces parages. Voltigeant devant lui, les lumerettes le fascinaient, l'attiraient dans les marécages et l'y noyaient ! Lorsque leur victime se trouvait enlisée jusqu'au cou, les esprits follets venaient accomplir sur la tête du malheureux une sarabande macabre en criant : «Noyé! noyé!»

Or, un forgeron de Braux trouva un moyen de se préserver de l'action malfaisante des lumerettes. Traversant un jour les marais, il recouvrit son visage d'un van (sorte de panier à deux anses) lorsque les feux follets s'approchèrent de lui. Ceux-ci furent d'abord tout penauds de ne pas découvrir la figure du forgeron, mais apercevant ses chaussures toutes reluisantes de clous cuivrés, ils chantèrent :

«Pie pie, van van!
Pie pie, van van!
Des petits c... c... blancs ! »

Notre homme, plus mort que vif, ne bougea pas, et le charme n'ayant pu opérer parce que son visage ne fut jamais à découvert, les lumerettes, de guerre lasse, durent renoncer à leur proie et disparurent. Fier de sa victoire, le forgeron rentra à Braux où il ne manqua pas de raconter son aventure. Et c'est depuis cette histoire qu'au pays de Braux les feux follets ne sont plus autrement appelés que Pie-pie-van-van.

Le Tchestai de la Rotche

Entre Membre et Sugny, sur un piton rocheux de la vallée de la Membrette, le Tchestai de la Rotche (le château de la roche), une tour défensive des premiers siècles de l'époque médiévale, fut longtemps regardé comme un lieu maudit et hanté.

Certaines nuits, les sorcières de Sugny s'y rendaient — par les airs — pour célébrer leur sabbat. D'après une tradition commune à bien des fortifications, le puits du castel recelait un trésor. Des habitants de Sugny décidèrent de s'en emparer. Du fond du puits, ils remontèrent deux chaudrons en cuivre remplis de pièces d'or. Malheureusement pour eux, au dernier moment, le trésor leur échappa et disparut dans les entrailles de la terre.

Les terrains marécageux environnants ne valaient pas mieux que le château. Dès la tombée de la nuit, des feux follets, toujours à l'affût de mauvais coups, infestaient les lieux. Un soir, deux hommes s'en allaient conduire une charretée de bois en France. Arrivés près du Tchestai de la Rotche, deux lumerettes se mirent à danser, à voltiger autour de la tête des chevaux. D'autres surgirent qui à plusieurs reprises vinrent frôler le visage des deux compères en faisant : «tchi! tchi! tchi!», comme des chats en colère. Transis de peur, les hommes dételèrent les chevaux et se cachèrent derrière des cordes de bois; mais chaque fois qu'ils faisaient mine de remettre les colliers aux bêtes, les feux follets revenaient, et force leur fut d'attendre l'aube pour rentrer chez eux.

Les Marais de la Vrigne

En Ardenne française, le village de Gespunsart s'est établi dans un ancien bras de la Meuse. La vallée est large, profonde, bordée par de hauts promontoires boisés. Au midi du village, le long d'une eau paresseuse nommée la Vrigne, s'étendaient naguère d'importants marécages. La nuit, un brouillard malsain y traînait son linceul, et des feux follets, très redoutés, y tendaient leur piège fatal.

De plus, ces marécages engendraient des fièvres qui mettaient la population à rude épreuve. Dans les années pluvieuses, on comptait jusque trois cents fiévreux. A Gespunsart, la mortalité était grande. Un frisson glace le lecteur qui parcourt les annales mortuaires de la paroisse. Peu de personnes atteignaient la vieillesse, car beaucoup succombaient entre trente et cinquante ans. A peine rencontre-t-on, de loin en loin, l'inhumation de quelque vieillard parvenu à septante ou quatre-vingts ans.

Aussi, à partir de 1846, procéda-t-on à de grands travaux d'assainissement. Drains et chenaux sillonnèrent le vaste marécage qui s'assécha en partie. Là où le sol s'affermit, il fut boisé et, aujourd'hui, une forêt épaisse, humide, secrète, recouvre les lieux. Mais les feux follets n'ont pas disparu pour autant, et plus d'une personne à Gespunsart peut en témoigner.



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