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Les pierres

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Traces d'équidés, roches tournantes...

L'Ardenne possède peu de monuments mégalithiques. Les pierres à légende, par contre, y sont légion. En dehors des nombreuses pierres attribuées au diable, on trouve principalement des traces d'équidés et des roches tournantes. Les premières témoignent du passage du cheval Bayard, ou de l'âne de saint Remacle ; les deuxièmes se meuvent uniquement lorsque cloche ou coq font entendre leur chant. On rencontre également des personnages pétrifiés, ceux-ci s'étant généralement rendus coupables de blasphème, voire de sacrilège, envers le Créateur ou un de ses proches.

Dans les anciens âges, certaines de ces pierres ont servi d'autel pour des offrandes, voire pour de petits sacrifices. Le souvenir de ces cultes naturalistes a terni leur image. Dénigrées par l'Eglise, elles continuèrent pourtant d'être l'objet de dévotions superstitieuses principalement liées à l'amour et à la fécondité. Notons encore que les sorcières recherchaient particulièrement le voisinage de ces pierres pour y tenir des conciliabules et organiser leurs sabbats infernaux. Remarquables, voire spectaculaires, dans leur forme ou leur situation, elles ne laissent pas d'intriguer et d'émerveiller les plus mécréants d'entre nous.

Le Pas Bayard

En Wallonie, la toponymie foisonne de lieux évoquant les quatre fils Aymon et leur cheval Bayard. Châteaux, arbres, pierres, les signalent partout, en Meuse comme en Gaume, en Ardenne comme en Fagne. Bayard, le cheval fée que les quatre frères ont reçu de Maugis l'enchanteur, a laissé au hasard de ses périples de nombreuses empreintes pétrifiées.

A Hargnies, le Pas Bayard est un bloc de quartzite qui gît, à droite de la route de Monthermé, dans un taillis serré et griffu. On accède à la pierre par une sente discrète, sinueuse, appelée le sentier du Pas Bayard. En fait, il s'agit d'une meule brisée et laissée inachevée, datant sans doute de l'époque gallo-romaine ou médiévale. La surface du bloc épouse assez irrégulièrement la forme d'un arc de cercle dont la corde aurait à peu près 1,40 m et la flèche 0,30 m. Sur l'un des bords, un petit orifice, lisse et semi-circulaire, répond assez bien à un pas de cheval.

D'après la tradition, Bayard a accompli un saut prodigieux de Vireux-Molhain — où le Mont Vireux serait l'emplacement d'un ancien château des quatre fils Aymon — à Hargnies. En retombant, un sabot du destrier a frappé la pierre, la marquant de son empreinte et la brisant en deux.

Le sous-bois d'alentour, de même que les prés tout proches, sont jonchés de blocs erratiques (les Pierres qui grandissent). L'un d'entre eux, la Roche du Berger, est considéré par certains comme un menhir.

Le Pas Bayard à Hargnies.

Le Pas Bayard à Hargnies.

La Pierre à marier

En Ardenne comme ailleurs, les rites de l'amour ont engendré de bien curieuses coutumes. Jadis, à Bohan, petit village de la Basse-Semois namuroise, nul ne se serait cru bien marié, même après les cérémonies civiles et religieuses, s'il n'avait reçu son investiture sur la Pierre à marier. Ce monument, en fait constitué de deux blocs juxtaposés, l'un étant de grès (1,77 m x 2,30 m), l'autre de quartz (1,14 m x 1,27 m), avait la faveur de la jeunesse locale qui y organisait des parodies de mariage, anodines rémanences d'épousailles païennes.

Les soirs de noces, on y menait les nouveaux mariés. Dos contre dos, ils s'asseyaient sur la pierre et simulaient une querelle conjugale. Rapidement, le capitaine de la jeunesse s'interposait et les réprimandait gaillardement. Puis, s'adressant à l'assistance, il lançait la question rituelle : «Sont-ils bien soudés (forme dialectale du verbe souder, dans le sens d'unir)?» Le public ayant répondu par l'affirmative, on attachait à chacun des époux une soquette (petite souche d'arbre), ou une pierre, qu'ils devaient traîner comme un boulet jusqu'au village. Le fardeau n'était pas lourd, mais l'allégorie assez claire...

A Sorendal, localité voisine de Bohan située en Ardenne française, existe une pierre similaire (la Roche Gayet ou Pierre à marier). Là, on hissait les mariés sur la pierre fétiche et on les liait dos à dos pour les faire ensuite rouler à terre. Leur dégringolade avait valeur de symbole. N'étaient-ils pas mari et femme pour le meilleur et pour le pire?

Le Chapeau de la Pie

A l'ouest du village de Graide, en dessous du confluent du ruisseau des Rives avec celui de Frouchy, au lieu-dit la Pie, le versant droit du vallon est clairsemé de roches moussues. Parmi elles se distingue le Chapeau de la Pie ou Pierre tournante. Il s'agit en réalité de deux grosses pierres superposées, l'une paraissant coiffer l'autre. Le support n'excède pas les deux mètres carrés pour une hauteur approximative de 0,80 m. Moins épaisse et un peu décalée par rapport à la précédente, la dalle supérieure, avec ses 1,80 m sur 1,70 m, fait un léger surplomb, d'où le nom curieux de ce monument. L'ensemble atteint une hauteur totale d'environ un mètre et présente une certaine inclinaison.

Autrefois, le Chapeau de la Pie était bien connu des jeunes pâtres qui aimaient grimper dessus et s'y asseoir pendant que leur bétail pâturait. Comme pierre tournante, elle avait la réputation de se mouvoir lorsque les cloches sonnaient au village voisin de Bièvre. Dominé par un grand quartier de roche à la face lisse, ce site, désert et boisé, intrigue le passant.

La Pierre Haina

Juchée sur une colline et dominant tout le champ mégalithique de Wéris, la Pierre Haina (haute de plus de 3 m, large de 1,20 m et inclinée à 45°) est une roche naturelle s'élevant au-dessus d'un éboulis, aujourd'hui boisé.

D'après une très ancienne coutume qui se maintint jusqu'au XIXe siècle, ce rocher était annuellement blanchi à la chaux. Au terme de cette cérémonie qui se déroulait à l'équinoxe d'automne, les habitants de Wéris, stimulés par quelques verres d'alcool, venaient danser devant la pierre.

Point géodésique et lieu de rassemblement pour les anciens, la Pierre Haina est entourée de légendes. Vu d'un certain angle, le rocher évoque un homme portant une lourde charge. Pour expliquer cette ressemblance, on raconte qu'un curé, regagnant sa paroisse de Mormont par temps d'orage, aborda la colline où se dresse aujourd'hui la Pierre Haina. Pliant sous le poids d'un gros paquetage qu'il avait sur le dos, le curé paraissait bossu. Suant et soufflant, il n'hésita pas, dans sa détresse, à maudire le Créateur d'avoir fait en cet endroit la croûte terrestre si accidentée. Pour le punir de son blasphème, Dieu le changea en un bloc de pierre. Depuis lors, la Pierre Haina est également appelée li Bossou curé (le curé bossu).

D'après une autre légende, ce rocher boucherait un trou qui descend en enfer. Parfois, Satan sort de ce trou pour accomplir ses œuvres maléfiques, puis va se reposer, en contrebas de la colline, sur une grosse pierre dite li Payasse dè diâle (le Lit du diable). Avant le chant du coq, il réintègre son antre en prenant soin de bien remettre la Pierre Haina en place derrière lui.

Le Pas d'âne

Cette pierre historique est située entre Petit-Thier et Logbiermé, sur les hauteurs boisées du Clair-Fa. Deux voies anciennes, le chemin de Stavelot à Luxembourg et celui de Vielsalm à Malmédy, se croisent dans son alentour. De toujours la pierre a constitué un repère frontalier, une borne. Point trifrontière sous l'Ancien Régime entre l'abbaye de Stavelot, le comté de Salm et la seigneurie de Thommen, elle délimite actuellement les provinces de Luxembourg et de Liège.

C'est une meule très ancienne (on la dit contemporaine de saint Remacle) du même type que celles rencontrées dans la région de Salm. D'un diamètre de 105 cm pour une épaisseur de 25 cm, cette pierre possède un petit orifice central, parfaitement cylindrique, qui est à l'origine de plusieurs légendes et superstitions.

On la nomme Pas d'âne parce qu'elle porte en son milieu l'empreinte pétrifiée d'un des sabots du baudet de saint Remacle. Selon une autre tradition, c'est l'âne de Joseph, emportant la Sainte Famille lors de la fuite en Égypte, qui serait l'auteur de cette trace. On parle également du cheval Bayard qui, au terme d'un bond formidable, serait retombé sur la pierre, la marquant profondément de son pied.

D'après une superstition commune à bien des pierres, les femmes aspirant à la maternité, ou voulant mettre fin à une trop longue stérilité, venaient placer un pied sur l'empreinte merveilleuse (laquelle était souvent remplie d'eau) ou s'asseyaient longuement dessus pour mieux profiter de son action bienfaisante.

La Pierre à misauté

Cette roche, gisant au pied d'un éboulis, se trouve entre Resteigne et Redu, à droite d'un chemin forestier qui remonte le ruisseau du Glan. Dans la tradition, et comme l'indique son nom (auté signifie autel en wallon), elle passe pour avoir été un monument druidique. L'endroit est retiré, chaotique, étrange. On raconte que les sorcières du pays s'y réunissaient pour tenir leurs sabbats.

Une légende prétend que la pierre tournait au chant du coq. Mais les villages et les fermes d'alentour étant très éloignés, jamais un coq ne s'y fit entendre. Or, un jour, une vendeuse de volaille, la Marie-Pierre aux chiens, passa par là. Comme elle s'arrêtait pour reprendre haleine, un coq s'échappa de son cageot, monta sur la roche et chanta d'un timbre éclatant. Aussitôt, la pierre se mit en branle et pivota trois fois sur elle-même. C'est pourquoi la Pierre à misauté est également appelée la Pierre qui tourne. Ce monument, long de 1,80 m, large de 1,60 m et d'une épaisseur d'environ 90 cm au-dessus du sol, est incomplet. Autrefois, une autre pierre chapeautait la première. Celle-ci a sans doute disparu lors de travaux forestiers ou de l'enrochement du chemin.

Dans la partie supérieure de l'éboulis, une grande pierre, qui a toutes les apparences d'un menhir, est couchée, la tête en bas. Taillé en biseau, ce monolithe de belle dimension (longueur : 2,40 m; largeur : 1,10 m; épaisseur : 0,85 m) fait curieusement penser à ces menhirs bien connus du Hainaut : les Zeupîres. Mais s'agit-il vraiment d'un mégalithe? Quoi qu'il en soit, le site de la Pierre à misauté a gardé tout le charme obscur, inquiétant, des anciens sanctuaires païens.



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