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Les vierges protectrices

Sites et récits

En Ardenne, comme presque partout ailleurs, la Sainte Vierge a, par voie de substitution, remplacé certaines déités primitives, parmi lesquelles on trouve principalement Diane, les déesses-mères et plusieurs divinités topiques liées au culte des bois et des fontaines. Les sanctuaires où la Vierge est invoquée sous des noms variés, bizarres, sont très nombreux et souvent établis sur des sites cultuels antiques, notamment à proximité de sources guérisseuses et vénérées.

Le thème principal des légendes de la Vierge est l'animisme des statues. Dans ces récits, les madones, parfois très anciennes, sont capables, de sourire, de pleurer, mais surtout de revenir toutes seules à l'endroit où on les a découvertes. Souvent, des arbres remarquables se trouvent étroitement mêlés à l'invention de la statue, puis à sa dévotion.

Invoquée à toutes fins et pour toutes les guérisons, la Sainte Vierge, reine du ciel, a longtemps connu la faveur des campagnards. Ceux-ci l'honoraient tout particulièrement à l'occasion de grandes fêtes religieuses telles l'Annonciation (le 25 mars), l'Assomption (le 15 août) et la Nativité (le 8 septembre). Aujourd'hui encore, son culte persiste en de nombreux endroits de notre pays.

Notre-Dame d'Oisy

A proximité de sources intarissables, la Chapelle Notre-Dame d'Oisy, datant de la deuxième moitié du XVIIe siècle, repose dans le cadre champêtre d'un haut plateau cultivé. Les labours environnants ont livré un grand nombre de silex préhistoriques, et un chemin antique : la Voie des Canons (ou Voie des Pèlerins), qui passe devant le sanctuaire, reliait autrefois Saint-Hubert et Paliseul à la France.

Long d'une vingtaine de mètres, étroit de quatre, l'édifice, touchant de simplicité et de recueillement, est encadré par deux tilleuls trois fois centenaires. La statuette miraculeuse qu'on y vénère était jadis exposée dans le tronc d'un chêne. Une légende assure que, transportée dans l'église paroissiale, elle en disparut nuitamment pour retourner toute seule à son arbre. De nombreux prodiges encouragèrent les habitants d'Oisy à bâtir un oratoire — d'abord en bois, puis en pierre — pour abriter la sainte effigie. Situé au-dessus de l'autel, un curieux ex-voto rappelle qu'en 1795 trois enfants mort-nés présentés à cette madone revinrent à la vie juste le temps nécessaire pour être baptisés.

Naguère, les pèlerinages organisés pendant le mois de mai ainsi qu'aux fêtes de l'Annonciation et de l'Assomption attiraient chacun deux à trois mille personnes. Pour rendre leur dévotion efficace, beaucoup d'entre elles accomplissaient le «petit tour», c'est-à-dire qu'elles allaient tourner trois fois autour de la chapelle dans le sens des aiguilles d'une montre.

La commune d'Oisy est riche de légendes. Diable, verbouc, feux follets sont partout. Plus d'une fois, la chapelle servit de refuge à des passants se croyant persécutés par ces êtres vomis de l'enfer. Surmontant la porte intérieure du sanctuaire, un chronogramme intime encore : ConCVLCa DaeMones genltrlX perpetVa VIrgo (Vierge-mère perpétuelle, protège-nous des démons).

Notre-Dame de Lorette

Dans un bois entre Moircy et Remagne, la Chapelle Notre-Dame de Lorette est juchée sur une petite plate-forme rocheuse surplombant l'Ourthe. Près du sanctuaire, à flanc de côte, une source dite Fontaine de l'ermite jaillit sous l'auvent d'une roche. Cette eau, de nature ferrugineuse, a la réputation de guérir les maux d'yeux. La source s'écoule dans deux petits bassins : le premier renferme l'eau potable, le second sert aux ablutions des pèlerins.

C'est à Dom Gérard, moine bénédictin de l'abbaye de Saint-Hubert, que l'on doit la construction de la chapelle Notre-Dame de Lorette en 1649. Complétant l'oratoire, une cabane adossée au rocher de la source fut occupée par un ermite. Celui-ci gardait le sanctuaire, prenait soin de la chapelle et de sa fontaine. Il vivait d'aumônes et du produit de son jardin. Il portait un froc brun qu'il tenait de son prédécesseur, et qui était usé jusqu'à la corde et rapiécé de toutes parts.

Plusieurs ermites se sont succédé à Lorette. En 1770, l'un d'eux tomba dans l'Ourthe grossie par les neiges et se noya. A la fin du XVIIIe siècle, deux ermites vivaient très à l'étroit dans la misérable cabane. Pendant l'hiver de 1782-1783, la maladie les coucha dans la tombe à quelques heures d'intervalle. Ils ne furent pas remplacés, et l'ermitage, longtemps à l'abandon, finit par disparaître.

Notre-Dame de Lorette était invoquée pour les maladies des enfants (fièvre lente, anémie) et contre les orages violents.

Notre-Dame de Diversmont

Sur la montagne de Diversmont, au-dessus de Fumay, en Meuse ardennaise, s'élevait autrefois un couvent de Jérômistes. Une petite chapelle, érigée en 1803 sur l'emplacement de l'ancien oratoire monacal et précédée d'une belle allée de tilleuls, abrite une Vierge très vénérée.

Chaque année, pour la Pentecôte, le clergé de Fumay allait chercher en grande pompe la statue de Notre-Dame de Diversmont et la déposait dans l'église paroissiale jusqu'à la fête de la Trinité. Mais une année — c'était au XVe siècle — on oublia de la reconduire à Diversmont. Prise de tristesse, la madone descendit de son piédestal et quitta nuitamment l'église. Une pluie battante, zébrée d'éclairs, déferlait sur la ville. Arrivée à sa chapelle, la Vierge était trempée et maculée de boue. Avant de réintégrer son sanctuaire, elle se lava dans un ruisseau tout proche. Depuis lors, cette eau est réputée miraculeuse et guérit certaines maladies, dont les maux d'yeux.

Pendant l'époque révolutionnaire, le couvent des Jérômistes fut détruit. Profitant de l'occasion, un habitant de Fumay acquit des matériaux provenant du couvent pour construire sa maison. Comme seuil, il avait choisi une marche en pierre de la chapelle. La première fois qu'il entra, il glissa sur la pierre et se cassa une jambe. On raconte aussi que le toit de la maison se mettait à trembler au passage de la procession. Plus tard, à chaque anniversaire de la mort du mécréant, les vaches de la commune s'assemblaient devant sa maison pour meugler lamentablement.

Notre-Dame de Farnière

Un jour, un mendiant qui s'était endormi au pied d'un hêtre, entendit soudain une voix harmonieuse sortir de terre. Intrigué, il fouilla le sol avec son bâton et découvrit une statue de la Vierge. Le sire de Rogister, un châtelain des environs, se procura cette madone et la plaça dans l'oratoire de son château. Mais, le lendemain, la Vierge avait regagné le hêtre. Alors, le seigneur fit construire la Chapelle de Farnière pour abriter la précieuse effigie.

D'après une autre tradition, on raconte qu'un sire de Rogister, pour satisfaire une vengeance, avait vendu son âme au diable. Mais la vengeance accomplie, il ne songea plus qu'en tremblant au pacte qu'il avait conclu avec Satan. En vain sa femme essaya de lui arracher le secret de son angoisse. Un jour cependant, lors d'une promenade dans les environs du château, il lui révéla tout et déclara que l'heure de livrer son âme au Malin était arrivée. Mais la châtelaine, se jetant aussitôt à genoux, implora l'intercession de la Vierge pour sauver son malheureux époux. Sa prière fut exaucée. Le diable renonça à ses prétentions, et, en souvenir de ce miracle, la dame de Rogister fit bâtir le petit oratoire, humble, discret, qui s'élève encore à l'orée de la forêt, entre Grand-Halleux et Arbrefontaine.

Notre-Dame de Farnière était l'objet d'un pèlerinage autrefois très suivi, et une statue de sainte Matrice (?), exposée dans la chapelle, ne manquait jamais de procurer un mari à la jeune fille qui la priait avec ferveur.

Notre-Dame de Lommal

Aux sources de la Lomme, entre Bras et Vesqueville, la Chapelle Notre-Dame de Lommal s'élève dans les champs, à l'ombre d'un rideau d'arbres. Un chemin historique, le Chemin Neuf, sépare le sanctuaire de sa fontaine, dont l'eau bienfaisante guérit les maladies des yeux et de la peau. La région ayant été fortement romanisée, il est probable que la Fontaine de Notre-Dame de Lommal fit déjà à cette époque l'objet d'un culte.

La fondation de la chapelle est très ancienne. Selon une légende, d'ailleurs commune à bien des sanctuaires, les habitants de Bras auraient découvert jadis une statue de la Vierge dans le creux d'un chêne se trouvant alors près de la source. La madone fut aussitôt déposée dans l'église paroissiale. Mais, le lendemain, elle avait regagné l'arbre, montrant ainsi son désir d'être honorée en cet endroit. Le chêne étant tombé de vétusté, on érigea une chapelle pour abriter la statue. Deux constructions se succédèrent. Celle que nous voyons aujourd'hui fut bâtie en 1733. La date figure sur la façade, au-dessus des armoiries de Célestin De Jongh, Abbé de Saint-Hubert de 1727 à 1760, et de sa belle devise : Amore non timoré (Par l'amour et non par la crainte).

Naguère, le pèlerinage du 8 septembre, fête de la Nativité, y drainait une foule considérable. A cette occasion, de nombreux pèlerins venaient se laver les yeux avec l'eau de la fontaine, qui est la source principale de la Lomme.

Notre-Dame de Cowan

La paroisse de Cowan-Vissoule est une des plus anciennes de la province de Luxembourg. L'église de Cowan, démolie vers 1894-1895, fut rebâtie à Vissoule. Il ne reste plus à Cowan que l'ancien cimetière qui, bien que dépourvu de son oratoire, a gardé une forme caractéristique. La statue habillée de Notre-Dame de Cowan se trouve actuellement dans l'église de Vissoule et daterait du XIIIe siècle.

Autrefois, la cité de Houffalizé toute proche ne possédait qu'une chapelle castrale dédiée à saint Nicolas et un prieuré dit du Val des Ecoliers. L'église paroissiale était à Cowan. Après bien des requêtes et des suppliques, les habitants de Houffalize obtinrent que l'église du prieuré fût érigée en église paroissiale. Ce transfert opéré, ils voulurent également s'emparer du trésor et de la Vierge miraculeuse de la paroisse déchue. Une première fois, la statue fut transportée à l'église de Houffalize. Mais, le lendemain matin, les habitants de Cowan la retrouvèrent au milieu de leur cimetière. La robe et le manteau de la Vierge étaient tout tachés de boue à cause des chemins détrempés qu'elle avait dû suivre à pied. Une autre fois, on mit la statue dans un chariot tiré par des chevaux, mais arrivées sur la limite de la paroisse les bêtes ne purent avancer plus loin, et la Vierge resta à Cowan.

Les futures mères se rendent en pèlerinage à Notre-Dame de Cowan pour obtenir une heureuse délivrance et pour que l'enfant à naître, s'il ne doit pas survivre, puisse au moins être baptisé. Naguère, une ceinture miraculeuse, aujourd'hui perdue, était «imposée» sur les patientes avec une bénédiction spéciale.

Le Chêne à l'Image

Le Chêne à l'Image se dresse sur les hauteurs boisées de Bohan, le long d'un chemin de crête considéré comme voie romaine. Cet arbre déjà vieux remplace un chêne à l'Image plus ancien qui n'existe plus. Le chêne actuel impose par sa toison et sa vigueur. A son fût semé de boursouflures est suspendue une petite niche grillagée contenant une effigie de la Vierge.

On raconte à propos de l'arbre disparu l'histoire suivante. Vers 1860, un braconnier, poursuivi par le garde-chasse local et son chien, s'était arrêté sous le chêne fétiche pour reprendre haleine. Il croyait avoir distancé ses ennemis lorsque le chien surgit du hallier et vint se placer devant lui dans une attitude menaçante. Le forestier survint, saisit la musette du maraud dont il retira un gros lièvre encore chaud et lui signifia qu'il aurait à répondre de ce délit. Puis, saluant la madone comme il avait l'habitude de le faire, il regagna la vallée avec son chien.

Écumant de rage, le braconnier déversa sa colère sur la statuette du vieux chêne. D'un coup de bâton, il la précipita par terre et en piétina furieusement les débris. Le lendemain, le garde constata la profanation et soupçonna son auteur. Quelques semaines plus tard, la nuit de Noël, le braconnier était frappé mortellement au cours d'une rixe, et on attribua cette fin tragique à la main de Dieu.

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