Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée

Légendes de Gaumes et Semois - Frédéric Kiesel

Sus aux rats: l'eau et la terre «de sainte Gertrude»

Un cas particulier est celui des invasions de rats. On en trouve des cas en Gaume (à Halanzy, et un récit ancien très élaboré à Villers-sur-Semois). Mais des faits nombreux, du XIXe siècle, ont laissé des souvenirs en Ardenne méridionale. Souvent des meuniers - dont ceux de Liresse et de Vivy - étaient ainsi agressés. Proies abondantes, leurs réserves d'avoine ou de seigle étant rapidement dévorées. Il en allait de même chez des fermiers à Rochehaut, Naomé, Orchimont ou Bohan. Les conseils, judicieux des curés étaient, après une oraison pastorale - comme on en trouve une très belle développée dans le Livre des bénédictions (1900) du poète Thomas Braun - de poser une planche sur une rivière proche. Les rats s'y rendaient «par milliers» pour aller on ne sait où.

En Gaume, des résultats spectaculaires - on en signale à Halanzy vers 1950 - auraient été obtenus entourant la maison attaquée - dont même les escaliers étaient dévorés - par de l'«eau de sainte Gertrude», bénie à Villers-sur-Semois dont l'église renferme une belle statue de la sainte. Mais il fallait maintenir sans eau bénite une issue. Comme par le pont sur la rivière, les rongeurs s'en allaient en empruntant cette sortie. En Basse-Semois, on utilisait, provenant, ou supposée provenir de Carlsbourg de la «terre de sainte Gertrude», patronne du village.

L'invocation à l'abbesse de Nivelles du VIIe siècle, est très répandue, depuis Schockville, près d'Arlon, jusqu'en Ardenne, en Gaume et, au Brabant wallon, dans d'anciennes terres de l'abbaye de Nivelles. Les statues de la sainte la montrent avec des rats à ses pieds ou grimpant sur sa crosse d'abbesse. Je n'ai trouvé nulle part le motif pour lequel Gertrude est invoquée contre les rongeurs. À Nivelles, son eau, dont on asperge les champs pour les protéger, est puisée dans la crypte de l’église abbatiale. Dans nombre de villages, en christianisant l'usage des sacrifices païens, on offre à la sainte du blé pour qu'elle en protège la moisson contre les rats.

Moins dévastateurs mais repoussants, les envois de crapauds, dont un cas fut signalé à Laforêt, y fut traité par les conjurations d'un «gromancien». Il fallait bien suivre son avis: ne faire aucun mal aux batraciens, et lorsqu'ils s'en allaient, suite à ses formulés, on devait être sûr qu'ils étaient tous partis. Cela se constatait à l'allure du dernier: plus gros que les autres et «portant son paquet sur le dos». Quel paquet ?

Pour les couleuvres, un cas noté au moulin de Mouzaive fut témoigné par une servante, grand-mère de la personne qui livra le récit vers 1900. Les reptiles ne faisaient aucun mal - on sait qu'il ne faut pas les confondre avec les vipères. Mais se glissant jusque dans les lits, allant boire le lait dans les tasses ou s'enroulant autour du bâton de la gardeuse des bestiaux, les couleuvres étaient encombrantes et indiscrètes. Un gromancien alluma un grand feu près du moulin, grimpa sur un arbre pour prononcer ses conjurations. Docilement, elles allèrent se faire griller dans les flammes. Ici aussi, il fallait, sous peine de grand péril, être certain que la dernière était partie: elle était verte, couleur maléfique chez les animaux.




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