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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Légendes carlovingiennes

La famille de Charlemagne
et ses descendants

CHAPITRE XIX

Combat du père et du fils

Charlemagne, nous l'avons dit, avait fait faire un recueil des poèmes où étaient célébrés les exploits des anciens chefs barbares ; de ce recueil il ne reste qu'un fragment découvert à l'intérieur de la couverture d'un manuscrit appartenant à l'abbaye de Fulde, d'autres disent trouvé à Cassel par Grimm.

Ce fragment est précieux, puisqu'il peut nous donner quelque idée du recueil de Charlemagne et de ces chants antiques. On pense que c'est de ces compositions anciennes et de plusieurs antres qu'on a formé plus tard, en Allemagne, les célèbres Niebelungen et l’Heldenbuch.

Dans son histoire littéraire de la France (tome II), M. Ampère a publié la traduction du fragment en question. M. Ozanam (les Germains avant le christianisme) la donne aussi, mais avec quelques modifications.
« Si je m'écarte, dit-il, du sens qu'il (M. Ampère) a donné, c'est que je crois avoir sous les yeux un texte plus pur et plus complet. » C'est cette version de M. Ozanam que nous allons suivre.

Le lecteur a vu dans notre volume des Légendes mérovingiennes, qu'Hildebrand était le fidèle ami de Théodoric, le compagnon de ses courses et de ses romanesques exploits. Hildebrand revenait en Italie, quand, un jour, il fit la rencontre de son fils Hadebrand, qu'il ne reconnut pas d'abord et dont il n'était pas connu. Le jeune et fougueux Hadebrand proposa le combat au vieux guerrier étranger. Voici le fragment du poème :

« J'ai ouï dire qu'un jour se provoquèrent au combat Hildebrand et Hadebrand, le père et le fils. Les deux héros disposèrent leur vêtement de guerre, ils se couvrirent de leurs cuirasses, ils ceignirent leurs épées sur leurs cottes de mailles. Et comme ils s'élançaient à cheval pour en venir aux mains, Hildebrand fils de Herebrand parla. C'était un homme noble et d'un esprit sage, et en peu de mots, il demanda à son ennemi quel était son père dans la race des hommes, ou encore : De quelle famille es-tu? Si tu me le dis, je te donnerai un vêtement à triple fil : car, ô guerrier, toutes les générations des hommes me sont connues.

« Hadebrand fils de Hildebrand parla : — Des hommes de mon pays, des hommes qui maintenant sont morts, m'ont dit que mon père s'appelait Hildebrand ; je m'appelle Hadebrand. Un jour il s'en alla vers l'Est, il fuyait la haine d'Odoacre ; il était avec Théodoric et avec na grand nombre de héros. Il laissa dans son pays sa jeune épouse, son fils tout enfant et ses armes sans maître, et il s'en alla du côté de l’Orient. Les malheurs de mon père commencèrent avec ceux de Théodoric : alors il devint un homme ami....... Mon père avait coutume de combattre à la tête de son peuple ; il aimait trop la guerre, et les hommes vaillants le connaissaient bien. Je ne pense pas qu'il vive encore.

« — Dieu de tous les hommes, s'écria Hildebrand, toi qui habites au haut du ciel, ne souffre pas un combat semblable entre deux guerriers si rapprochés par le sang.
« Alors il ôta de son bras un anneau d'or fin que le roi des Huns lui avait donné : — Accepte-le, dit-il, comme un présent pacifique.

« Hadebrand fils de Hildebrand parla : — C'est avec la lance et pointe contre pointe qu'on doit recevoir tes présents. Vieux Hun, tu es rusé et habile ; tu veux m'abuser par tes paroles et me frapper de ta lance. Tu as tant vécu, et tu peux encore mentir ?

Des hommes de mer, qui avaient navigué vers l'Occident sur la mer des Wendes, m'ont assuré qu'on avait ouï parler d'une bataille où Hildebrand fils de Herebrand avait péri.

« Hildebrand fils de Herebrand parla: —-Je vois bien à ton armure que tu sers un bon maître, que jamais tu n'as erré comme un proscrit sur cette terre. Hélas ! Dieu puissant, quelle est ma destinée ! J'ai vécu errant soixante étés, soixante hivers ; toujours on me plaça au premier rang des combattants: jamais je ne portai les fers dans aucun donjon. Et maintenant il faut que l'épée de mon enfant m'abatte la tête, il faut qu'il me terrasse avec sa lance, ou que je devienne son meurtrier. Tu peux, si ton bras est fort, ravir les armes d'un brave ; tu peux dépouiller son cadavre, si tu crois y avoir quelque droit. Que celui-là soit regardé comme le plus infâme des hommes de l'Est, qui te détournerait d'un assaut qui te plaît tant. — Bons compagnons, voyez qui de nous deux aujourd'hui pourra se vanter du butin qu'il aura fait et rester maître de deux armures.

« Alors ils dardèrent leurs lances aux pointes aiguës, si bien qu'elles restèrent fixées dans les boucliers. Puis ils se précipitèrent l'un sur l'autre..... Ils frappaient durement sur les boucliers blancs, jusqu'à ce que ceux-ci tombassent en morceaux brisés par les coups. »

Le fragment poétique s'arrête ici... et ne nous fait pas connaître l'issue du combat, qui se termina peut-être enfin par la reconnaissance d'Hildebrand par son fils.



Chapitre XX : Saint Guillem et le géant.
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