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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Légendes carlovingiennes

La famille de Charlemagne
et ses descendants

CHAPITRE XX

Saint Guillem et le géant

Maintenant évoquons une noble figure historique et légendaire, celle d'un prince, d'un ami et d'un parent du grand roi, d'un guerrier fameux qui se fit moine et devint un saint.

Des chroniques ne font qu'un même personnage de Tersinus et dé Guillaume, duc d'Aquitaine, nous l'avons vu dans le précédent volume; d'autres récits disent autrement : le duc Guillaume au Court-Nez était le petit-fils de Charles Martel par sa mère, proche parent ainsi de Charlemagne. C'était un guerrier illustre, il avait eu l'honneur de chasser les Sarrasins de la Septimanie, et, sons la suzeraineté de Karl, il était le souverain de cette grande province.

Charlemagne, après avoir soumis l'Aquitaine, lui avait donné pour roi Louis son fils, et ce jeune prince avait été mis par son père sous la tutelle du duc Guillaume. Les Gascons seuls, dans le Midi, répugnaient à obéir aux Carlovingiens, Ils se révoltèrent plusieurs fois ; mais le duc Guillaume les dompta enfin par la force et la ruse. Ils se courbèrent, en 790, sous cette main ferme et habile.

Plus tard le fils d'Abdérame, le calife de Cordoue : Hissem (Hescham) appela les Sarrasins à la guerre sainte. Une partie de son innombrable armée franchit les Pyrénées, pénétra en Septimanie, brûla les faubourgs de Narbonne et s'engagea dans les vallées des environs de Carcassonne. Guillaume le Pieux, aidé des comtes de la Septimanie et de l'Aquitaine, courut à leur rencontre. Une grande bataille se livra sur les bords de l'Orbieu, à Villedaigne, entre Narbonne et Carcassonne. Mais les chrétiens furent obligés de céder au nombre. La lutte avait été sanglante, les pertes énormes des deux côtés ; Abdilmealeck, le général musulman, n'osa pas continuer la guerre, et il rentra en Espagne chargé d'un butin évalué à trois millions et demi, dont là cinquième partie, réservée au calife, fut employée par-lui à finir et à orner la grande mosquée de Cordoue.

Quelques années après, le roi Louis bataillait toujours avec succès contre les Maures d'Espagne ; alors le duc Guillaume engagea le prince à faire un dernier effort contre Barcelone. Au printemps donc de 801, le siège fut mis devant cette place. Le duc Guillaume avait le Commandement du second corps d'armée et il arrêta les troupes du calife de Cordone envoyées au secours de la ville assiégée. Ces auxiliaires s'étant repliés sur l'Asturie y furent défaits parles chrétiens du pays. Le duc Guillaume revint devant Barcelone et contribua à la prise de cette cité, qui redevint chrétienne et dont les mosquées furent changées en églises.

II

Couvert de gloire, comblé d'honneurs, Guillaume n'attachait pas cependant son cœur à la terre. Son ami, un guerrier comme lui, Benoît venait de fonder le monastère d'Aniane, Guillaume voulut l'imiter. Dans les campagnes du Languedoc, non loin de Lodève, tout près d'Aniane, il chercha un site solitaire et sauvage, il rencontra le désert de Gellone. Quand il eut trouvé ce qu'il désirait, c'est-à-dire une contrée privée jusque-là d'une maison de prière : Scilicet loco ubi nullum fuerit oratorium, il appela autour de lui tous les artistes, tous les ouvriers habiles à bâtir et à décorer un édifice, il les trouva dans la province; avec eux il détermina l'emplacement et les plans d'un oratoire digne de Dieu et digne de lui. Il fixa avec eux l'étendue de la maison religieuse et de ses diverses parties. On commença par édifier la basilique, c'était une des plus belles églises de ce temps-là avec transept, pavé en mosaïque et, comme à Aniane, avec sept autels symbolisant les sept dons du Saint-Esprit.

Il demanda à Benoît des moines d'Aniane pour peupler le monastère de Gellone, et il les soumit à cette règle rigoureuse donnée par Benoît. Ce fut un très noble personnage qui en devint le premier abbé: Juliofredus, parent lui aussi de Charlemagne. Guillaume dota magnifiquement sa nouvelle communauté; il fit don au couvent de moulins, de troupeaux, de domaines, il y ajouta les terres qu'il possédait au diocèse de Lodève avec le fief de Ledes et deux églises des environs. L'acte de donation est du 14 décembre 804.

Mais en fondant ce pieux asile de la prière et de la science, Guillaume avait eu aussi une arrière-pensée. Dégoûté de plus en plus du monde, il résolut de le quitter. Cependant il continua encore pendant quelque temps à fidèlement servir le roi Louis, puis il obtint de l'Empereur, quoique avec peine, d'être déchargé du commandement militaire de l'Aquitaine afin de vivre dans la retraite. Mais la retraite, au milieu du siècle, n'était pas assez pour lui. Ses regards et ses pensées se tournaient vers les vallées du Languedoc, vers les rochers et les torrents de Gellone, vers les paisibles cloîtres qu'il avait bâtis. Il résolut de se faire moine de Gellone.

Avant d'aller, en 806, s'y enfermer pour y finir ses jours, il alla faire visite à son maître l'empereur Charles. Il se jeta à ses pieds et le supplia d'avoir pour agréable qu'il abandonnât le siècle et les honneurs pour se consacrer tout entier au service de Dieu. Charles fut vivement touché et contriste aussi, mais il comprenait ce dévouement ; il embrassa Guillaume, versa des larmes, mais il consentit à tout pour obéir aux volontés du Ciel.

Le bon duc, en revenant, passa par Brioude ; il alla prier avec grande dévotion dans l'église de Saint-Julien. Ne voulant rien apporter du monde dans la maison sainte où il allait entrer, il déposa là et consacra à Dieu et à saint Julien son épée, son casque et son bouclier. Longtemps après on voyait encore, dans le trésor de l'église de Brioude, ces nobles reliques dont la grandeur et le poids donnaient une idée de la taille et de la force du duc Guillaume au Court-Nez devenu saint Guillaume ou saint Guillem, comme on l'appelle en Languedoc.

Sa vie dans le cloître fut toute sainte et tout humble. Le prince allié aux rois, le guerrier célèbre se soumettait, comme le dernier des pères, aux ouvrages les plus pénibles, aux détails les plus rebutants, aux occupations les plus viles. Sa charité brilla parmi toutes ses autres vertus. Un écrivain contemporain nous apprend que le moine Guillaume, l'ancien vainqueur des Sarrasins, le duc d'Aquitaine s'en allait, à l'heure de midi, parmi les moissonneurs du monastère, conduisant un âne chargé d'un vase rempli de vin. Il s'arrêtait devant chaque travailleur et lui présentait une coupe pleine de vin afin que le moissonneur, se désaltérant, reprît ses forces et pût supporter plus aisément et plus gaiement les ardeurs du jour, sous ce brûlant climat du Midi.

III

Ces paisibles occupations ne furent pas les seules de l'ancien duc Guillaume de Toulouse. II était devenu abbé de son monastère. En ces temps-là les devoirs d'un abbé ne se renfermaient pas entièrement dans l'enceinte du cloître. Le clergé régulier exerçait une heureuse influence au dehors. La Septimanie était presque inculte à la suite des ravages des Sarrasins et des guerres continuelles; de riches cités comme Nîmes, Narbonne, Béziers avaient été renversées, les campagnes dévastées et dépeuplées. La paix permit à Benoît, à Guillaume et à tant d'autres de rappeler la prospérité autour de leurs couvents. Les populations y revenaient et se mettaient à cultiver la terre. Aujourd'hui encore les souvenirs traditionnels ont consacré chez le peuple la mémoire de ces bienfaiteurs.

Guillaume ne se contentait pas de faire fleurir l'agriculture autour de lui; il donnait l'exemple du courage, pourvoyait aux besoins divers de ces populations et les délivrait des fléaux. Écoutez le peuple encore maintenant, il vous montrera, non loin du village de Saint-Guillem, un roc du haut duquel Guillaume s'est élancé et a franchi l'Héraut sur son cheval. Il vous dira que les pies infestaient de leurs innombrables essaims toute la campagne et qu’à présent on n'en voit plus, parce que saint Guillaume les a chassées et excommuniées. Ce chemin pittoresque, tracé dans le rocher, c'est lui qui l'a fait creuser et en a doté le pays.

Enfin le moine Guillaume, quand il s'agissait du bien public et de la défense du prochain, savait se souvenir qu'il avait été un fier paladin et un rude batailleur.

Voyez-vous cette haute et âpre montagne qui domine le village, ou plutôt cet immense rocher qui sert de piédestal au château du géant, au moins à ces ruines. « On ne voit plus que des pans de muraille découpés d'une manière bizarre sur un sommet extrêmement étroit dont ils suivent les contours et dans lequel est, dit-on, creusée une citerne. Au-dessous de l'enceinte se dresse une tour carrée, dont un des côtés est adossé au rocher presque perpendiculaire en cet endroit. On la nomme le Cabinet du Géant. Plus bas encore, au point où la pente moins rapide devient praticable au pied des hommes, commence un mur qui descend avec le sol et aboutit à l'extrémité d'un petit rocher à pic. Vers le milieu de ce mur s'ouvre une porte fortifiée et flanquée de tourelles. Un chemin tracé au pied du mur contourne la montagne à l'endroit où il finit et va joindre le village (1). »

Ces ruines, dont les dentelures se détachent sur l'azur du ciel, n'ont-elles pas quelque chose de sinistre avec leur piédestal de noirs rochers et les grands oiseaux de proie qui tournoient au-dessus des tours crevassées ?

Là autrefois, c'est-à-dire au temps que le bon duc Guillaume était abbé du monastère, habitait un géant, le géant Gellone. Sans foi ni loi, cruel, pillard, Gellone ne vivait que de rapines. Comme l'oiseau de proie, il s'abattait dans la vallée pour enlever ce qui était à sa convenance. Malheur à celui qui passait pour avoir une épargne! malheur à qui avait de belles génisses, de jolies brebis ! malheur au voyageur et au marchand qui traversaient ces gorges désertes !... ils étaient dépouillés et, s'ils faisaient résistance, ils étaient massacrés.

Contre un pareil ennemi que pouvaient les pieux cénobites, pour protéger les habitants de la contrée ?... Là-haut c'était l'aire du vautour, et en bas c'était le nid de la colombe.

Et le nid de colombe déplaisait au vautour. La vue du saint, peut-être aussi la liberté de sa parole et de ses remontrances, exaspéraient le brigand. Il résolut de se débarrasser de ce vivant reproche. Un jour, dans un accès de colère, il jura tout haut qu'il se déferait de ce voisin gênant, qu'il tuerait l'abbé Guillem. La Providence permit que ces menaces sinistres fussent entendues par une servante de l'abbé. La bonne femme s'en vint en hâte et tout effarée avertir son maître du danger qui le menaçait; Guillem sourit et ne parut pas alarmé.

« Fuyez, ô mon maître ! ce scélérat ne respecte rien, il fera ce qu'il médite ; quel homme pourrait résister à ce monstre, qui trouve d'ailleurs l'impunité dans sa force prodigieuse ?
— Je n'ai pas toujours été, tu le sais, un moine timide, j'ai été un guerrier; plus d'un ennemi a connu ma vigueur, et je n'ai pas oublié comment on se sert de l'épée.
— Oui, mais vous n'avez jamais combattu un géant... fuyez, ô père!
— Le comte de Toulouse, même sous l'habit de moine, ne sait ce que c'est que de trembler et de fuir. D'ailleurs, s'il a la force brutale, j'ai la vigueur encore, la ruse aussi, et j'aurai l'aide de Dieu, je combattrai pour la justice contre le crime..... laisse-moi faire... va me chercher tes habits.
— Comment, seigneur «... quels habits ?... je n'ai que des vêtements de femme.
— Oui, dit en souriant Guillem, tes habits à toi, ceux que tu conserves soigneusement pliés et parfumés dans ton coffre et que tu portes les jours de fête. »

La pauvre servante comprit ; toute tremblante et bien incertaine de l'issue de cette aventure, elle apporta à l'abbé tout ce qu'il lui fallait.

Alors Guillem revêtit cette robe et ces ajustements de paysanne, — grand Dieu ! qui l'eût reconnu. — et il s'en alla droit au chemin escarpé qui conduit au castel. Personne de ceux qui l'aperçurent ne se doutèrent, certes, que c'était là le duc Guillaume, l'abbé du monastère de Gellone.

Sous son accoutrement féminin, Guillem fut reçu au château ; le prétexte qu'il donna pour y pénétrer ne donna aucun soupçon au terrible châtelain. Cette femme, en habits de servante, et qui ne demandait sans doute qu'à parler à quelque domestique,-attira peu l'attention du fier maître du lieu. Gellone la vit sans défiance circuler autour des cuisines. Elle affectait même d'aller et de venir afin de saisir une occasion favorable pour exécuter son dessein. Enfin l'occasion se présenta.

Appuyé sur la balustrade en pierre d'une terrasse, Gellone regardait, au-dessous de lui, peut-être le couvent, peut-être quelque maison de paysan, et il roulait dans sa tête le plan de quelque nouvelle perfidie, de quelque attentat qui le séduisait. Guillem alors sort rapidement d'une porte et se jette sur le brigand. Retrouvant sa force et son adresse d'autrefois, il le saisit par les jambes et le pousse vivement par-dessus le parapet. Le géant poussa un cri épouvantable, voulut en vain s'accrocher de ses doigts crispés aux dalles du mur d'appui, il fut entrainé dans le vide. Son corps immense, rebondissant de rochers en rochers, laissant à chaque aiguille de granit des lambeaux de chair, des cheveux, des gouttes de sang, roula, roula, et vint choir, inerte, sanglant, déchiré, au bas de la montagne.

L'ennemi du monastère, du village ne fat pleuré par personne, même dans son château.

Mais il y a une variante à ces récits populaires : après avoir entendu les paroles de sa servante, Guillem indigné ne pensa pas à user de ruse, il courut chercher son épée, — car il faut croire qu'il en avait une autre que celle laissée par lui dans l'église de Brioude ;—il la mit sous son bras et s'en alla d'un trait, avec sa robe de moine et son glaive de duc d'Aquitaine, au château du géant. Celui-ci, l'ayant aperçu monter, se prit à sourire, il trouvait l'aventure piquante. Bien, se dit-il, le révérend abbé vient-il me provoquer en duel?... ah! nous allons voir, à nous deux, mon bonhomme ..... l'occasion que je cherchais, la voilà ; c'est merveilleux... tu viens te jeter dans la gueule du loup.....

Guillem fut donc introduit avec empressement.
« Viens-tu me combattre ?... quelle tarentule t'a donc piqué ?... Saint homme, tu es donc las de la vie ?... je vais t'en débarrasser, cela ne sera pas long.
— Je suis las du voisinage d'un brigand tel que toi, je suis las des gémissements et des pleurs de tous ces braves gens que tu tyrannises, et le ciel est las de tes forfaits.
— Oui dà!
— A tes vols et à tes pilleries tu ajoutes d'indignes violences, tu portes le désespoir dans les familles, tu fais saisir et incarcérer une foule d'innocents; ils sont là gémissant dans ce château, ou plutôt dans cette tanière.
— Parce que cela me plaît, messire abbé.
— Aujourd'hui encore, il n'y a pas une heure, tu as fait prendre par tes gens et emprisonner ici une jeune fille; tu vas la mettre en liberté sur l'heure.
— Et tu viens ici pour m'y forcer ?
— Oui, si tu n'es pas un lâche, tu vas rendre ta proie ou te battre avec moi.
— Voyons, vieux moine;... voyons, fier champion des jeunes vierges, en garde!... J'avais envie d'abord de te faire jeter par-dessus les remparts, puis j'ai eu l'idée de te faire pendre, mais je veux bien te procurer la mort du soldat, puisque tu te souviens de l'avoir été... En garde ! en garde!... »

Et là, sur l'esplanade du château, les épées brillèrent au soleil.

Tous les habitants du village étaient sortis et contemplaient la lutte, faisant des vœux et priant pour Guillem.

Le combat ne fut pas long, l'orgueilleux brigand reçut un grand coup d'épée qui lui traversa le cœur, et il expira en blasphémant. C'est ainsi que saint Guillem délivra le pays du tyran qui l'avait si longtemps opprimé.

Quand mourut saint Guillem, c’est dans une chapelle consacrée à saint Michel et contiguë à la cellule qu’il avait habitée qu’on lui donna la sépulture. Ce n’est qu’en l’an mil que ses vénérables reliques furent transportées dans l’église, où on les a retrouvées dans ces derniers temps, avec une inscription gravée sur une tablette de plomb.

IV

Ces lieux tous pleins du souvenir du saint duc, du bienfaiteur du pays, attirent les touristes.
Voyage charmant

Pour arriver là, si l'on part de Lodève, on rencontre d'abord le pont de la Marguerite, célèbre autrefois par les histoires de brigand qui y attendaient les voyageurs. Plus loin se déploie une plaine immense et fertile, où s'étalent la verdure pâle des oliviers et la verdure plus vive des vignobles, avec un horizon de hautes montagnes. Puis voici le Mont des Vierge , où les pèlerins se rendent pour prier saint Fulcrand, qui y est né. Voici là-bas, au delà de la rivière de l'Héraut, la grande tour de Gignac et les vastes bâtiments de l'ancienne et célèbre abbaye d'Aniane. Voici la rivière, l'antique Arauris, l'Héraut large et profond, aux eaux pures et transparentes. Ici on entre dans une gorge de rochers ; voici le pont du Diable, massif gigantesque ; voici la route qui mène à Saint-Guillem, coupée dans le roc, serpentant suspendue sur des abîmes. Ces lieux ont bien justement reçu le nom de Désert.

Là, c'est la fontaine bruyante de la Clamouse (fons clamosus), le ruisseau qu'elle forme et son moulin pittoresque, c'est la cascade écumeuse, c'est une vieille tour carrée et solitaire.

La scène change lorsqu'on approche de Saint-Guillem, le travail de l'homme a embelli cette solitude : des vignes et des plants d'oliviers sur les pentes, de fraîches prairies au bord de la rivière. Enfin on arrive à la vallée de Gellone, au village de Saint-Guillem, à cette curieuse église romane, avec son abside aux trois fenêtres à plein cintre surmontée d'une riche arcature et accompagnée de deux absidioles de même style.

Et là toujours, au-dessus de vos têtes, dominant la paisible vallée et le bourg, la fantastique silhouette du château du géant.

Ne quittons pas ces lieux sans évoquer un souvenir historique plus récent. Saint Guillaume ne fut pas le seul abbé du monastère de Gellone qui se signala par son intrépidité

En 1569, un détachement de l'armée protestante s'empara de l'abbaye, que les moines furent obligés d'abandonner. L'abbé commendataire de Saint-Guillem était alors l'évêque de Lodève : Mgr Briçonnet, d'une noble famille qui donna plusieurs évêques à l'Église de France. Le prélat se hâte de rassembler huit cents hommes, se met à leur tête, les conduit à Saint-Guillem, chasse les envahisseurs de son couvent et les taille en pièces.

En finissant, permettez, ami lecteur, à un Languedocien d'origine, sinon de naissance, de se délecter devant ces vieux monuments de la grande province et d'accumuler détails sur détails, en vous disant que l'abbaye de Saint-Guillaume-du-Désert (sancti Guillelmi de Desertis, Saint-Guillem, comme on l'appelle dans le bel idiome méridional, Saint-Guilain comme l'écrivait le vulgaire non languedocien) fut toujours une maison religieuse, sinon très riche, au moins assez importante, jusqu'à la Révolution. Sous Louis XIV, elle payait 400 florins à la cour de Rome et valait à l'abbé 4,000 livres de rente. Il y avait la réforme et elle dépendait immédiatement du Saint-Siège.

En 1762, elle donnait à l'abbé commendataire 4,500 livres ; l'abbé était M. de la Prunarède. Il eut pour successeur, en 1770, M. de Bayanne.

J'ajouterai que si vous voulez aller au pèlerinage où l'on porte en procession la relique de la vraie croix rapportée de Palestine et donnée au monastère par le saint duc Guillaume, ou si vous voulez simplement visiter en vrai touriste, c'est-à-dire à pied, ces lieux fameux, vous n'aurez que deux lieues à faire, en partant de Lodève.

  1. Récit d'un voyageur dans le Magasin pittoresque, année 1853, p. 259.


Chapitre XXI : Jeunes Prélats.
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