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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Légendes carlovingiennes

La famille de Charlemagne
et ses descendants

CHAPITRE V

Dernier combat

HONNEUR ET GLOIRE AU VAINQUEUR !

Une lutte décisive allait donc avoir lieu. Les deux armées étaient en présence, comme les autres jours, attendant ce qui allait se passer.

C'était au matin, le soleil déjà haut dans le ciel éclairait de ses brillants reflets les étendards et les armures d'acier poli. Ferragut et Roland arri­vèrent et vinrent s'asseoir sous le grand arbre où ils s'étaient reposés la veille. Leurs écuyers te­naient leurs chevaux à la bride tout prêts pour le combat

« Je voudrais bien savoir, dit Roland, pourquoi nous sommes ennemis, car enfin tu ne connaissais ni moi ni les Franks... Pourquoi es-tu donc venu de l'Asie, des rives de l'Euphrate, pour, te battre avec nous ?

— J'ai été envoyé par mon prince l'Émir de Babylone, et j'ai été heureux de cette mission, car je suis ici pour défendre les Sarrasins mes frères dans la vraie religion, mes frères opprimés par vous.
— Opprimés!... mais, dis-moi donc, Ferragut, qui a été l'agresseur? L'Espagne était aux chré­tiens, aux nobles "Visigoths, et tes frères les mahométans ont envahi l'Espagne sans droit et sans motif.
— Ne dis pas sans motif : Dieu est grand, et Mahomet est son prophète, et Dieu a donné la terre aux enfants du Prophète ; ils doivent porter par­tout, par le fer et le feu, la parole de Mahomet et établir la vraie religion.
— Ferragut, tu erres fortement... et tu montres bien que ton prophète n'est qu'un imposteur. C'est. par la force que l'on réduit les animaux et qu'on leur impose le joug, mais c'est par la parole qu'on convainc les hommes. Le Christ, notre maître, n'a pas envoyé des armées pour prêcher son Évangile, il a envoyé des apôtres doux et désarmés.
— Peuh! fi de la parole!... le glaive, voilà la vraie manière de convaincre.
— J'ai grand'pitié de toi, et je veux t'exposer la vérité. »
Et alors Roland, sans être grand clerc, parla longtemps et développa les vérités saintes de la foi.
Ferragut répondait, mais il n'était pas de la force de Roland ; aux preuves et aux raisons il opposait de tristes arguments. Les plus grossières impostures de Mahomet et ses prétendus prodiges, même les plus absurdes, il les croyait comme choses évidentes et certaines.

Chacun défendait sa foi et voulait prouver la supériorité de sa croyance. Ce duel théologique, qu'il est inutile et peu récréatif de reproduire ici, se prolongea encore quelque temps.

— Après tout, s'écria le géant impatienté et plus ahuri que convaincu par la science de Roland, nous perdons le temps en vains discours. Tu con­nais à présent ma méthode ; ma science la voici : c'est mon cimeterre. Eh bien! combattons l'un pour Mahomet, l'autre pour le Christ; la meilleure des deux lois ce sera celle de celui de nous deux qui restera vainqueur.
— Je le veux, dit Roland ; j'espère que mon Dieu me donnera la victoire et ne laissera pas triompher le champion de l'imposture.
— L'imposture, c'est la loi du Christ, ce sera bientôt reconnu, car tu vas laisser ta vie entre mes mains; j'en suis fâché, chrétien, tu es un vail­lant chevalier. Allons! en selle, gloire à Mahomet, le prophète de Dieu !
Vive le Christ, le fils de Dieu ! »

C'est ce cri qui fut le signal du combat.
Les deux champions s'élancent sur les chevaux, et au son éclatant de la trompette de leurs écuyers, ils se ruent l'un contre l'autre.

Roland élève son cœur vers Dieu, il appelle à son aide la puissante Vierge, mère du Christ, et, sa Durandal à la main, il porte des coups terribles au géant; mais il ne put jamais entamer son ar­mure et effleurer sa peau. Ferragut, de son côté, faisait rage; mais Roland évitait les coups du cime­terre, qui glissait à peine parfois, bien inoffensif, sur le casque ou les brassards du paladin.

Cependant les forces du héros s'épuisaient, un effort de Ferragut, une poussée vigoureuse allait peut-être le renverser de son cheval. Roland, dans cet instant critique, lança une ardente invocation vers sa protectrice, la sainte Vierge Marie. Une force nouvelle sembla retremper ses membres et réchauffer son sang; alors trouvant une occasion favorable, d'un violent coup de pointe, il enfonce sa longue épée dans le nombril du Philistin.

Un grand cri de joie s'éleva des rangs chrétiens pour saluer le nouveau David. Une clameur immense y répondit dans les rangs des in­fidèles.

Ferragut avait roulé à terre avec ce bruit sourd que produit un pin énorme tombant sur le flanc de la montagne, tranché par la cognée du bûche­ron. Il poussa des plaintes et des soupirs bruyants, invoquant son prophète Mahomet pendant que son sang s'échappait à flots de sa blessure et baignait la terre autour de lui, Roland s'était élancé de son cheval pour achever la défaite de son ennemi ; mais des troupes de Sar­rasins entourèrent le blessé et tandis que les uns repoussaient les chrétiens, les autres emportaient le géant mourant dans l'enceinte du château.

C'en était fait cependant : le désespoir, la honte, le découragement s'étaient emparés des infidèles. Les Franks, dans un élan irrésistible, envahirent la montagne, poussant devant eux les Sarrasins. Bientôt les bataillons chrétiens, guidés par Charlemagne, sont maîtres de la cité ; ils pénètrent dans le château, la bannière du croissant est arra­chée et l'étendard de la croix flotte sur les hautes tourelles.

Des chevaliers entourent Ferragut, qui expire enfin sous l'épée de Regnault de Baulande.

Puis le cachot est ouvert, Ogier et tous les pri­sonniers sont délivrés et se joignent à leurs compa­gnons pour célébrer cette grande victoire. Ce fut réjouissance et festin ce jour-là dans le château conquis; Roland fut le héros de la fête.

Pour annoncer au loin aux habitants des cam­pagnes ibériennes cette grande nouvelle et leur faire partager la joie des soldats franks, Roland monta sur la plate-forme du grand donjon et sonna vaillamment de l'olifant.

Ces fanfares joyeuses rou­lèrent longtemps dans les plaines et sur les monts, répétées par les échos des rochers et des bois.

Et sur toute la terre espagnole on se réjouit grandement, et les romanceros célébrèrent à l'envi la gloire de Roland le victorieux, dans des strophes qui devaient passer à la postérité.



Chapitre VI : Un traître.
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