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Vie de Charlemagne par Eginhard

Eginhard

Ministre et historiographe de Charlemagne (v. 775-840). La Vie de Charlemagne, dont il est l'auteur, demeure un des plus précieux documents contemporains sur l'empereur et la vie à la cour du roi des Francs. Homme de lettres, architecte, conseiller admis dans l'intimité du roi, Eginhard est une des figures typiques de la renaissance carolingienne qui fleurit au cours du long règne de Charlemagne.

Enluminure des Grandes Chroniques de France représentant Eginhard.

Enluminure des Grandes Chroniques de France représentant Eginhard.

Présentation

Préface d'Eginhard

Ayant formé le projet d'écrire la vie, l'histoire privée et la plupart des actions du maître qui daigna me nourrir, le roi Charles, le plus excellent et le plus justement fameux des princes, je l'ai exécuté en aussi peu de mots que je l'ai pu faire; j'ai mis tous mes soins à ne rien omettre des choses parvenues à ma connaissance, et à ne point rebuter par la prolixité les esprits qui rejettent avec dédain tous les écrits nouveaux.

Peut-être cependant n'est-il aucun moyen de ne pas fatiguer, par un, nouvel ouvrage, des gens qui méprisent même les chefs-d'œuvre anciens sortis des mains des hommes les plus érudits et les plus éloquents. Ce n'est pas que je ne croie que plusieurs de ceux qui s'adonnent aux lettres et au repos ne regardent point les choses du temps présent comme tellement à négliger que tout ce qui se fait soit indigne de mémoire et doive être passé sous silence ou condamné à l'oubli; tourmentés du besoin de l'immortalité, ils aimeraient mieux, je le sais, rapporter, dans des ouvrages tels quels, les actions illustres des autres hommes que de frustrer la postérité de la renommée de leur propre nom en s'abstenant d'écrire.

Cette réflexion ne m'a pas déterminé toutefois à abandonner mon entreprise; certain, d'une part, que nul ne pourrait raconter avec plus de vérité des faits auxquels je ne demeurai pas étranger, dont je fus le spectateur, et que je connus, comme on dit, par le témoignage de mes yeux, je n'ai pas réussi, de l'autre, à savoir positivement si quelque autre se chargerait ou non de les recueillir. J'ai cru d'ailleurs qu'il valait mieux courir le risque de transmettre, quoique, pour ainsi dire, de société avec d'autres auteurs, les mêmes choses à nos neveux, que de laisser perdre dans les ténèbres de l'oubli la glorieuse mémoire d'un roi vraiment grand et supérieur à tous les princes de son siècle, et des actes éminents que pourraient à peine imiter les hommes des temps modernes.

Un autre motif, qui ne me semble pas déraisonnable, suffirait seul au surplus pour me décider à composer cet ouvrage; nourri par ce monarque du moment où je commençai d'être admis à sa cour, j'ai vécu avec lui et ses enfants dans une amitié constante qui m'a imposé envers lui, après sa mort comme pendant sa vie, tous les liens de la reconnaissance. On serait donc autorisé à me croire et à me déclarer bien justement ingrat, si, ne gardant aucun souvenir des bienfaits accumulés sur moi, je ne disais pas un mot des hautes et magnifiques actions d'un prince qui s'est acquis tant de droits à ma gratitude; et si je consentais que sa vie restât comme s'il n'eût jamais existé, sans un souvenir écrit, et sans le tribut d'éloges qui lui est dû.

Pour remplir dignement et dans tous ses détails une pareille tâche, la faiblesse d'un talent aussi médiocre, misérable et complètement nul que le mien, est loin de suffire; et ce ne serait pas trop de tous les efforts de l'éloquence de Tullius. Voici cependant, lecteur, cette histoire de l'homme le plus grand et le plus célèbre; à l'exception de ses actions tu n'y trouveras rien que tu puisses admirer, si ce n'est peut-être l'audace d'un barbare peu exercé dans la langue des Romains, qui a cru pouvoir écrire en latin, d'un style correct et facile, et s'est laissé entraîner à un tel orgueil que de ne tenir aucun compte de ce que Cicéron a dit dans le premier livre des Tusculanes, en parlant des écrivains latins.

On y lit: «Confier à l'écriture ses pensées sans être en état de les bien disposer ni de les embellir et d'y répandre un charme qui attire le lecteur, est d'un homme qui abuse à l'excès et de son loisir et des lettres.» Certes, cette sentence d'un si parfait orateur aurait eu le pouvoir de me détourner d'écrire, si je n'eusse été fermement résolu de m'exposer à la critique, des hommes, et de donner, en composant, une mince opinion de mon talent, plutôt que de laisser, par ménagement pour mon amour-propre, périr la mémoire d'un si grand homme.



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