Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée

Légendes de Gaumes et Semois - Frédéric Kiesel

Chasses maudites... et sortilèges d'accouchements

Au pays d'Arlon, notamment à propos du «Junker Dietz» de Noedelange près d'Athus, les légendes du chasseur maudit sont comparables aux schémas populaires en Allemagne: un seigneur sauvagement passionné de chasse, dévaste les champs et, défi majeur, manque la messe du dimanche, à la poursuite du gibier. Après sa mort, il revient, dans un tumulte d'aboiements et de corps de feu qui effraient les populations.

Cette terreur est souvent associée aux tempêtes des nuits d'automne. En Haute-Ardenne, à la Vaulx-Renard, près de Stoumont, sur l'Amblève, une tradition de ce genre est restée vivace: le seigneur y aurait tué le prêtre, qui, las de l'attendre, avait commencé sans lui à célébrer l'office dominical.

Dans l'aimable Gaume, où certaines légendes sont pourtant terrifiantes, il est difficile de trouver une trace de récits populaires analogues. Dans la région de la Basse-Semois, une variante finalement bénigne a été relevée par le docteur Delogne à Sugny, Rochehaut, Allé, Membre et Laforêt.

Un vacarme de chasse fantastique, cor de chasse, coups de fusil, aboiements, cris «Taïaut! Taïaut!» est suivi de l'apparition, sur le sol, de centaines de petits chiens, parfois décrits comme noirs, ou aboyant «gnaf-gnaf», mais inoffensifs. Ils vont rentrer bredouille. Dans un village, quelqu'un prend deux ou trois de ces chiens dans sa bannette (tablier) et les enferme dans son fournil. Mais, le lendemain, ils ont disparu.

Ces apparitions-illusions, sans dommages, se rattachent à la magie rurale familière, encore vivace dans les croyances à la fin du XIXe siècle. Dans deux cas, à Laforêt, les petits chiens, par centaines, viennent aboyer, jusque sur le seuil de la porte, au moment ou une femme va accoucher. Par des prières à haute voix, chez les plus pieux, ou en faisant du bruit, chez les autres, on essaie de dissimuler à la future mère ce tapage inquiétant, mais c'est en vain. Le lendemain, elle dit:
- Vous n'aviez pas besoin de faire tant de cachotteries. J'ai tout entendu.

Le lien est étrange entre l'angoisse de la chasse venue du monde des morts et la foule de petits chiens, symboles possibles des âmes attendant de naître.

Il existe d'ailleurs un rapport entre les accouchements, passage à la vie, mystérieux et comportant un danger, et des faits insolites. Non seulement des apparitions ou des musiques nocturnes - comme au pays d'Arlon - mais aussi des animaux survenus par magie. Le plus souvent, il s'agit d'un mauvais sort, en vue de contrarier la naissance. Ainsi est-il recommandé de ne jamais aller seul chercher le médecin ou la sage-femme. Le diable, à l'affût de l'âme de l'enfant, cherche à égarer ou retarder, en l'effrayant, le messager. Il veut que l'enfant arrive mort-né. Ici la croyance populaire assimile à l'empire du diable les mystérieux limbes, qui sont pour l'Église catholique le séjour des enfants morts sans baptême.

Un paysan de Rochehaut n'avait pas eu la prudence de se faire accompagner en allant quérir l'accoucheuse. Tout le long du trajet, il fut poursuivi par deux brebis lançant des éclairs par les narines, la bouche et les yeux. Pour s'en débarrasser, il passa dans des buissons, mais elle l'y ont suivi, laissant aux épines des touffes de laine lumineuse.

Des rencontres magiques n'étaient d'ailleurs pas exclues, même lorsqu'on avait la prudence de ne pas se rendre seul chez la sage-femme. À Laforêt, deux hommes qui y allaient ensemble virent une foule de poissons dans le ruisseau qu'ils traversaient.
- Prenons une friture, dit le plus jeune.
- Idiot! Ne faisons surtout pas cela! Tu n'as pas compris que le diable nous tente, pour que nous arrivions en retard. Ils firent un signe de croix et passèrent leur chemin.




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