Accueil --> Liste des légendes --> « Pépé crotchet» et «roudje bonnette ».


Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


« Pépé crotchet» et «roudje bonnette »

Légendes de Gaumes et Semois

Si peu de nutons sont signalés en Ardenne méridionale, la Semois, comme nombre de cours d'eau - et même des puits -était le repaire fabuleux d'autres petits personnages, mais dangereux, dont on menaçait les enfants qui se penchent sur la margelle ou la rive: les «pépés crotchets» (ou par corruption «crotchets»). Ils étaient censés attirer dans l'eau les imprudents au moyen d'un crochet. La peur de cet épouvantail aquatique a sauvé de la noyade plus d'un enfant. Il est analogue, note Delogne, au Nix allemand, aux Waterman ou Waterduivel flamands. En Campine, le noir Manneken-haak entraîne avec son crochet les enfants au fond de l'eau. Il suce leur sang et enferme leur âme dans une cruche dont l'ouverture est tournée vers le bas. L'âme ne redevient libre que si la cruche est renversée (cette croyance campinoise se retrouve en Allemagne, reprise dans les Deutsche Sagen de Grimm).

Esprits (sans crotchets) de la terre, d'autres «pépés», petits vieillards malicieux ou méchants, sont tapis dans l'ombre des caves et des greniers, ou des buissons voisins des maisons. Dans un décor familier, ils cristallisent la peur de l'obscurité, étant des sortes de dieux lares négatifs. On en menaçait aussi les enfants.

Le plus spectaculaire de ces petits personnages, analogue aux Kobolds allemands, est nommé en wallon «roudje bounette». Coiffé d'un bonnet rouge, comme son nom l'indique, ainsi que le Roodmutsje ou fan met de roode muts de plusieurs terroirs flamands, où il est vu aussi avec un pantalon rouge et un frac gris, c'est un esprit du feu, habitant sous terre, dans les collines et les talus.

C'est lui qui, du haut de chemins en forte pente, comme la côte de Rochehaut, en face de Laviot, lançait des chariots ou charrettes en flammes. Éclairant la nuit, elles dévalaient le raidillon à toute allure, dans un fracas terrifiant. Souvent, plusieurs véhicules en feu menaient ainsi grand tapage. Ils n'étaient jamais attelés et le dernier roulait les brancards en arrière. Le «roudje bounette» accompagnait toujours ce convoi d'allure infernale, évoqué aussi dans les traditions de Flandre et d'Allemagne, qui jamais n'écrasait ou ne brûlait personne. Il n'allumait pas d'incendie. C'était une vision de magie, comme les tonneaux géants dévalant des pentes dans le pays d'Arlon. De la peur, pas de mal. Un des témoins du docteur Delogne dit même que la scène était devenue banale qu'on ne s'en émouvait plus. Ainsi le «roudje bounette» était, pour les villageois point trop craintifs, un farceur plus qu'autre chose. Farceur sans flammes, plutôt voué à l'eau qu'au feu, était, toujours près de Rochehaut, à Hour, un autre «roudje bounette». La nuit, il ouvrait les vannes du moulin, mettant ainsi la roue en marche, inutilement. Le meunier devait se lever pour arrêter ce gaspillage. Mais peut-être attribuait-il le bonnet rouge à un autre «pépé». Voire à un mauvais plaisant qui exploitait les obsessions magiques de l'époque. Parfois, bien sûr, des supercheries peuvent être devinées dans les récits de faits insolites, racontés comme vrais, d'assez visible bonne foi, par des paysans âgés du début des années 1900. Mais le phénomène intéressant est celui de la croyance, et des analogies entre des terroirs très éloignés les uns des autres.


Accueil --> Liste des légendes --> « Pépé crotchet» et «roudje bonnette ».

Site optimisé pour Firefox, résolution minimum 1024 x 768 px

Flux RSS : pour être au courant des derniers articles édités flux rss