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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée

Les légendes d'Ourthe-Amblève

Les quatre fils Aymon

Chapitre XXIX

COMMENT LES DOUZE PAIRS DE FRANCE ABANDONNERENT L'EMPEREUR CHARLEMAGNE, PARCE QU'IL NE VOULAIT PAS FAIRE LA PAIX AVEC LES QUATRE FILS AYMON, ET COMMENT IL LES FIT APPELER, LEUR PROMETTANT DE FAIRE CE QU'ILS VOUDRAIENT.

L'empereur Charlemagne, voyant tous ses barons s'en aller, en fut bien fâché. Il se mit à ronger une demi-lance qu'il avait à la main, et il appela ensuite un chevalier et lui dit :
— Montez à cheval et courez après Roland et les autres barons. Dites-leur qu'ils viennent me parler, que je ferai tout ce qu'ils voudront et pardonnerai à Regnaut la faute qu'il m'a faite.

Le chevalier dit :
— Je suis charmé de votre bonne volonté.

Alors il courut après les pairs de France. Regnaut était sous le portique de Dordonne avec le duc Richard, qui d'abord aperçut le chevalier qui allait près des douze pairs. Alors il lui dit :
— Cousin, je vois un chevalier qui court sans doute après les douze pairs pour les faire retourner. J'espère que nous aurons aujourd'hui la paix.
— Messire, dit le duc Richard, vous l'aurez bonne malgré ceux qui veulent le détourner, et vous devez bien aimer nos compagnons.

Le chevalier marcha tant qu'il trouva Roland, auquel il dit :
— Seigneur, le roi vous mande de retourner et qu'il pardonnera à Regnaut.
— Naimes, dit Roland, je tiens la paix faite, et cette guerre va bientôt finir.

Naimes et tous, les pairs ayant entendu parler Roland, furent très satisfaits et s'en retournèrent vers le roi.

Quand Regnaut vit que les douze pairs retournaient, il ait au duc Richard :
— Cousin, je crois que la paix est faite.

Quand Charlemagne vit les barons revenir, il leur dit :
— Ma foi, messieurs, vous avez grand tort de vouloir raire la paix contre mon gré. Je hais tant Regnaut que je ne puis le souffrir à cause de son orgueil. Et si vous voulez que j'aie la paix avec lui, je veux qu'il s'en aille mal vêtu auprès de la mer, qu'il me rende Bayard, et je rendrai à ses frères leurs terres et héritages. S'il veut le faire, je lui accorderai la paix, autrement, non; car je vous assure que jamais ne la ferai. Ainsi, voyez entre vous qui fera le message.
— Sire, dit le duc Naimes, si vous; le voulez, J'irai volontiers.
— Je le veux bien, dit Charlemagne.

Aussitôt le duc Naimes partit pour aller à Dordonne. Quand Regnaut le vit, il le reconnut bientôt et le salua humblement, en lui disant :
— Messire, quelles bonnes nouvelles m'apportez-vous et quel sujet vous amène ici ?

Le duc Naimes dit alors à Regnaut :
— Charlemagne m'envoie ici et il vous mande qu'il fera la paix avec vous si vous partez pour aller en mer, mal habillé et en demandant votre vie, et qu'alors il rendra à vos frères tous vos héritages,
— Naimes, lui dit Regnaut, soyez le bienvenu ; je vous promets que je ferai le commandement du roi. Je consens à partir demain.

Regnaut ayant accepté ce que le duc Naimes lui avait dit, prit Bayard et lui donna, puis il prit l'étendard et le mit sur la grande tour en signe de paix. Le roi l'ayant aperçu, le montra à Roland qui, le voyant, lui dit :
— Regnaut est vraiment bien généreux d'avoir fait la paix de cette manière. Honneur à celui qui a donné cette bonne idée.

Roland dit ensuite à Oger :
— Regnaut possède la douceur et la bravoure d'un chevalier.

Cependant le duc Naimes emmena Bayard et le présenta au roi en lui disant :
— Sire, Regnaut est tout prêt à faire ce que vous avez commandé, car il partira demain.
— S'il plaît à Dieu, dit le roi, j'en suis content. Dites-moi, je vous prie, où est le duc Richard, car je veux le savoir ?

Naimes lui répondit :
— Sire, il est sur le point de demeurer avec Regnaut car il veut le conduire lorsqu'il s'en ira.

Regnaut fit faire bonne chère à ses frères et leur dit :
— Seigneurs, ne soyez point fâchés de ce que je m'en vais, car la paix que j'ai faite est plus pour l'amour de vous que pour moi. Je vous prie de bien vous maintenir jusqu'à mon retour.

Alors il commença à s'habiller d'une serge violette, se chaussa de gros souliers et se fit donner un gros bourdon pour le porter à la main. Il vint ensuite auprès de la duchesse qui, lorsqu'elle le vit ainsi accommodé, tomba en faiblesse. Regnaut la releva et lui dit :
— Dame, ne vous affligez pas, car je reviendrai bientôt ici, s'il plaît à Dieu ; et mes frères vous serviront comme leur dame. Je suis content que la paix soit faite et que je sois retourné. Je prie Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ qu'il veuille bien vous préserver de la mort, de tous maux et de toutes adversités.

Il la baisa en pleurant et en prit congé. La duchesse le voyant partir, lui dit :
— Mon cher ami, le non pareil au monde, hélas ! jamais je ne vous reverrai.

Alors elle se retira dans sa chambre, prit toutes sortes de robes et les jeta au feu ; ensuite elle prit une robe de serge qui était d'une couleur violette, ainsi que son mari avait fait. Elle la mit, puis commença à dire qu'elle n'en mettrait jamais d'autre jusqu'à ce qu'elle vît son mari de retour d'où il était allé.

Regnaut se mit en chemin. Le duc Richard et ses frères avec leurs gens le conduisirent loin ; alors Regnaut leur dit :
— Seigneurs, je vous prie de vous en retourner, car tant que je serai avec vous, je ne serai pas à mon aise. Allez consoler la duchesse. Pour vous, mes frères, je vous recommande mes enfants.

Après que Regnaut leur eut dit adieu, Allard lui dit :
— Mon frère, je vous prie de vous en retourner car je suis si fâché de votre départ que peu s'en faut que je ne meure. Je vous dis pour vrai que je ne sortirai pas de ce vallon que vous ne soyez de retour.

Quand il eut dit cela, il embrassa son frère et prit congé de lui en pleurant, ainsi que le duc Richard de Normandie, auquel Regnaut dit :
— Mon cousin, je vous recommande mes frères, ma femme et mes enfants car ils sont de votre sang.
— Regnaut, dit le duc Richard, je vous jure que je les aiderai de tout mon pouvoir ; c'est pourquoi ne vous inquiétez pas d'eux, car rien ne leur manquera.




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