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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée

Les légendes d'Ourthe-Amblève

Les quatre fils Aymon

Chapitre VII

COMMENT REGNAUT, SES FRERES ET MAUGIS VAINQUIRENT BOURGONS LE SARRASIN, QUI AVAIT CONQUIS LE ROYAUME DE GASCOGNE.

Quand Bourgons eut pris Toulouse, il dit à ses gens :
— Seigneurs, vous savez qu'il faut battre le fer quand il est chaud. Aussi marchons vers Bordeaux pendant que les blés sont épais, car nos ennemis ont assez à manger.

Le lendemain, Bourgons partit de Toulouse avec vingt mille combattants et vint camper devant Bordeaux. Il envoya quatre cents Sarrasins bien équipés, pour ravager le plat pays jusqu'auprès de la ville. Quand la sentinelle l'entendit, elle cria aux armes. Tous ceux de la ville furent bien étonnés.

Quand Regnaut vit qu'il était temps de s'armer, il dit à ses frères :
— Allez tous vous préparer et faites préparer vos gens.

Quand ils furent prêts, Regnaut monta sur Bayard et alla au-devant du roi Yon et lui dit son espoir que Dieu leur fera remporter la victoire contre les Sarrasins. Regnaut sortit le premier de Bordeaux et fonça sur les païens qu'il se mit à détruire comme s'ils étaient désarmés.

Quand les gens de Regnaut furent tous prêts à combattre, ils foncèrent avec tant de fureur que les Sarrasins s'enfuirent. Quand Bourgons vit cela, il fit sonner la trompette et lança son armée. Le combat fut terrible. Le roi Yon vint alors au secours des fils Aymon. Voyant le mal que les cinq chevaliers faisaient, Bourgons et ses hommes prirent la fuite. Regnaut se mit à la poursuite de Bourgons avec tant d'ardeur que, bientôt, il fut éloigné de ses frères. Allard se lamenta de ne plus voir son frère. On le chercha parmi les morts, mais il n'y était pas. Pendant qu'on se lamentait sur sa disparition, Regnaut poursuivait Bourgons avec une telle précipitation qu'il l'atteignit en peu de temps et le provoqua. Ils descendirent de cheval et se battirent l'épée à la main. Regnaut blessa fortement Bourgons. Ce dernier implora sa grâce et l'obtint sous promesse de se convertir à la religion chrétienne. Pendant ce temps, Bayard était allé rechercher par la crinière le cheval de Bourgons qui s'était enfui. Re-gnaut et Bourgons remontèrent à cheval et prirent le chemin de Bordeaux.

Comme ils s'en retournaient, ils rencontrèrent Yon, les trois frères et Maugis qui furent heureux de revoir Regnaut. Yon confirma la grâce accordée à Bourgons et rentra en son palais. Il complimenta les frères Aymon et Maugis pour leur bravoure et leur donna la plus grande partie du butin, mais Regnaut donna tout à ses gens. Cela toucha le roi Yon.

Puis la paix s'établit après que Bourgons eut payé une rançon de six sommiers chargés d'or et rendu Toulouse.

Un jour, Regnaut et ses frères, chassant dans la forêt, prirent quatre bêtes sauvages. Sur le chemin du retour, ils se trouvèrent auprès de la rivière de la Gironde et ils virent une montagne sur laquelle devaient se trouver les restes d'un château. Allard dit :
— Si nous pouvions le fermer, Charlemagne ne pourrait venir le prendre.

Ils décidèrent de le demander à Yon pour y faire une forteresse. Ils présentèrent à Yon les bêtes sauvages qu'ils avaient prises. Le roi les reçut honorablement. Et le lendemain, après qu'il eut entendu la Messe, Regnaut le tira à part et lui dit :
— Sire, nous sommes restés déjà un peu de temps à votre service.
— Vous avez raison, répondit le roi, et je dois vous en récompenser. S'il y a dans mon royaume quelque ville ou château qui puisse vous faire plaisir, je vous l'accorde.
— Sire, dit Regnaut, je vous remercie, faites-moi le plaisir de m'entendre. Nous venons de chasser, et comme nous revenions, j'ai aperçu une montagne au-delà de la rivière de la Gironde. Si vous voulez, j'y ferai bâtir une forteresse.
— Je vous l'accorde de bon cœur, dit le roi.

Et Regnaut le remercia. Il lui promit de l'aider en toutes ses entreprises.
— Sire, dit Regnaut, Dieu vous récompensera de vos bienfaits.

Le lendemain matin, le roi fit venir Regnaut. Ils prirent vingt chevaliers, traversèrent la Gironde et montèrent sur le rocher, et trouvèrent l'endroit fort propice. Regnaut en fut bien content, et dit en soi-même que s'il pouvait faire bâtir une forteresse, il n'appréhenderait point Charlemagne, pourvu qu'il ne manquât pas de vivres. Il y avait une belle fontaine au sommet du rocher. Quand ils eurent bien examiné l'endroit, un des chevaliers tira le roi à l'écart et lui dit :
— Sire, que voulez-vous faire ? Voulez-vous avoir un seigneur sur vos terres ? S'il bâtit une forteresse, je vous assure qu'il ne craindra ni vous, ni les barons de Gascogne. Considérez que Regnaut et ses frères sont chevaliers étrangers, et qu'ils pourraient vous causer beaucoup de dommage. Si vous voulez me croire, donnez-leur autre chose, car il pourrait nous en arriver bien du mal.

Quand le roi Yon entendit ce que lui avait dit le chevalier, il fut surpris, car il sentait bien que ce qu'il disait était vrai. Il réfléchit un peu, puis i! dit qu'il avait donné sa parole à Regnaut. Il l'appela et lui dit :
— Ami, vous pouvez faire bâtir une forteresse, mais j'espère que si je vous l'accorde, ce ne sera pas pour me faire la guerre.
— Sire, dit Regnaut, je vous donne ma parole de chevalier que j'aimerais mieux mourir que de commettre une trahison aussi noire ; d'ailleurs je suis ennemi de Charlemagne, qui est mon souverain seigneur. Non pas que j'aie commis aucune trahison contre lui. Sachez que c'était à mon corps défendant que j'ai tué son neveu Berthelot. Il m'avait frappé sans que je lui en eusse donné le sujet. Je vous jure, sur mon honneur que si quelqu'un vient pour vous attaquer, je vous vengerai de tout mon pouvoir et, si vous avez quelque soupçon, ne me le cachez point.
— Ami, dit le roi, je me suis fié à vous, ainsi je veux que vous soyez seigneur de tout mon pays.

Regnaut remercia le roi de toutes ses bontés, et fit venir les meilleurs maçons et charpentiers du pays. Il leur donna son idée pour la distribution de la forteresse, et il leur recommanda de bâtir une grande tour. Quand le donjon fut fini, il fit enfermer la forteresse de murs d'une épaisseur considérable. Regnaut fut très satisfait quand la forteresse fut finie. Le roi vint la voir, et Regnaut alla au devant de lui ; il le fit monter dans la tour, où il y avait une belle fontaine. Le roi, après avoir examiné tout cela, dit à Regnaut :
— Ami, quel nom donnerez-vous à cette forteresse ? Il me semble qu'il faut lui en donner un beau !
— Sire, répondit Regnaut, vous voudrez bien lui en donner un.
— Je la nommerai donc Montauban.

Le roi fit publier dans tout le pays que tous ceux qui voudraient venir habiter la forteresse de Montauban, seraient exempts de tous droits pendant dix ans.

Quand les gens du pays apprirent la franchise, les chevaliers, gentilshommes, bourgeois et marchands y vinrent en si grand nombre, que la forteresse fut bientôt peuplée. Les barons furent bientôt jaloux de l'amitié que le roi Yon portait à Regnaut à cause de sa valeur. Ils dirent au roi :
— Sire, prenez garde à ce que vous allez faire. Montauban est bien fortifié. Regnaut est courageux et vous pourrez vous en repentir.
— Il est vrai, répondit le roi ; mais Regnaut est franc, et il ne me trahira pas.
— Sire, dit un ancien chevalier, si vous voulez me croire, je vous donnerai un moyen pour être toujours votre maître et de ne rien appréhender de la puissance de Regnaut.
— Quel est ce moyen, lui demanda le roi ?
— C'est de lui donner votre sœur en mariage ; elle sera très bien avec lui, car il est honnête chevalier.
— Oui, répondit le roi, vous me donnez un bon conseil, je le suivrai certainement.

Le roi Yon s'en retourna à Bordeaux fort content, et le premier jour du mois de mai, Regnaut alla de Montauban à Bordeaux pour voir son frère Allard qui vint au devant de lui. Quand ils furent montés au palais, le roi demanda des échecs pour jouer contre Regnaut. Et comme ils jouaient, un ancien chevalier qui était chargé de faire le mariage de Regnaut avec la sœur du roi (il avait nom Godefroid de Moulins) vint dans la salle et dit :
— Seigneur, écoutez-moi. Je songeais la nuit passée que Regnaut, fils du duc Aymon, était monté sur un puits, que tout le peuple de ce royaume s'inclinait devant lui, et le roi donna un épervier. Il passa aussi devant la Gironde un si affreux sanglier, que personne n'osait approcher, mais Regnaut vint et le tua. Alors je m'éveillai.

Il vint ensuite un clerc nommé Bernard qui dit :
— Seigneur, si vous daignez m'écouter, je vous ferai l'explication de ce songe. Le puits où Regnaut est monté est la forteresse qu'il a fait bâtir. Le peuple qui s'inclinait devant lui sont les habitants de ce royaume. Le don du roi, c'est sa sœur qu'il lui donne en mariage. Le sanglier, c'est un prince chrétien ou païen qui viendra attaquer le roi, et Regnaut le défendra. Voici le songe de Godefroid. Pour moi je crois d'avis qu'on célébrât le mariage de Regnaut et de la sœur du roi.
— Vous avez raison, dit le roi, ce mariage me plairait beaucoup.

Le courageux Regnaut remercia le roi de ce beau présent. Il le pria d'attendre qu'il en eut parlé à ses frères et à son cousin Maugis.
— Frère, dit Allard, vous auriez tort de refuser le présent que le roi vous fait. Si vous voulez m'en croire, vous accomplirez sa volonté ; nous en sommes tous bien contents.
— Frère, dit Regnaut, je le ferai, puisque vous êtes d'accord.

Il retourna chez le roi, et lui dit :
— Sire, je suis prêt à faire votre volonté.

Le roi prit sa sœur et Regnaut par la main et les fiança.




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