Accueil --> Liste des légendes --> Chapitre 16.


Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Légendes carlovingiennes

La famille de Charlemagne
et ses descendants

CHAPITRE XVI

Les fils et les filles

Avant de raconter les curieuses aventures de la belle Emma, il faut dire un mot des enfants de Charlemagne.

I

LES FILS LEGITIMES ET PEPIN LE BOSSU

Nous ne ferons que nommer les trois fils légitimes de Charles qui avaient pour mère la reine Hildegarde. Leur vie et leurs actes sont du domaine de l'histoire. L'on sait que le grand roi partagea entre eux ses vastes États. A Charles, l'aîné, il donna la France, en y joignant la Thuringe, la Frise et la Saxe; à Pépin, l'Italie ainsi que la Bavière et les terres qui sont sur le cours du Danube ; enfin à Louis, l'Aquitaine, la Provence et la Bourgogne.

Mais la mort de deux de ces princes rétablit l'unité du royaume. Le roi d'Italie, Pépin, mourat à Milan, à l'âge de 34 ans, en 810. Peu après, Charles l'ainé, mourut aussi, le 5 décembre 811, et le roi d'Aquitaine, Louis, fut associé à l'empire, ainsi que nous l'avons vu, puis il succéda à son père : ce fut l'empereur Louis le Débonnaire.

Un autre fils, nommé également Pépin, n'était point entré en partage des États de Charlemagne avec ses frères. Est-ce sa position de fils illégitime, est-ce son infirmité (il était bossu), est-ce son caractère ou toute autre cause inconnue qui le fit exclure?... Toujours est-il que Pépin le Bossu ressentit un vif mécontentement du sort qui lui était fait. En 792, sous prétexte de maladie, il quitta la cour et songea à se venger et même à usurper le trône. S'il était difforme de corps, Pépin était très beau de visage, il était intelligent et brave; il eut des partisans d'autant mieux que les hauteurs et la sévérité de la reine Fastrade avaient indisposé bon nombre de grands -seigneurs. De lui-même, Pépin n'en serait peut-être pas venu à conspirer contre son père, mais il était entouré de tous ces mécontents, adulé et excité par eux.

Enfin un complot se trama bien secrètement à Ratisbonne.

Dans le silence d'une nuit sombre, quelques hommes armés arrivent, par différents chemins, à une église isolée, hors des murs de la cité. Ils ont tous pénétré dans les parvis sacrés, ils se sont comptés. Ni l'atrocité de leurs desseins, ni la sainteté du lieu, ni la présence du Dieu de l'eucharistie dans le tabernacle, rien ne les trouble. Sous les arceaux à peine éclairés par la lueur faible et vacillante de la lampe, ils arrêtent leurs plans, ils prennent leurs mesures. Chacun accepte son rôle dans le drame terrible : car ils se décident à immoler le roi et la reine afin de proclamer souverain Pépin, qui leur devra le sceptre. Ne redoutant aucun témoin, bien sûrs d'être seuls, ils s'animent peu à peu et élèvent la voix ; Dieu seul les entend, pensent-ils. Mais la Providence, qui veut déjouer leur infâme entreprise, veille, et elle a placé là un témoin. Un prêtre lombard, nommé Fardulfe, était venu prier, vers le soir, dans cette église ; il s'était endormi dans un recoin obscur, et on l'avait enfermé dans le temple. Au bruit des pas et des voix, il s'est éveillé; quels ne furent pas son étonnement et sa terreur quand il vit ces hommes se réunir et se parler d'abord mystérieusement ! Mais bientôt quelles ne furent pas ses angoisses et son horreur quand il entendit tous les détails de leur ténébreux complot !

Un secret terrible lui est révélé, et sa conscience lui fait un devoir de déjouer cette trame maudite. Mais que va-t-il arriver ?.,. Comment pourra-t-il sortir sans être vu ?... Pourra-il même échapper plus longtemps aux regards de ces scélérats ?...

Il n'y avait pas de temps à perdre, Fardulfe crut que le seul parti à prendre était d'essayer de fuir par une petite porte. Il marche doucement en rasant les murs et en faisant un grand détour... mais les conjurés ont cru entendre un léger bruit; ils écoutent, puis une ombre leur paraît se dessiner sur les parois ; ils se précipitent de ce côté, ils entourent le malheureux prêtre et le saisissent. L'aspect de ces hommes au regard furieux, leurs gestes menaçants, leurs épées nues le glacent d'épouvante.

« Qui es-tu, que fais-tu ici ?
— Je suis un pauvre prêtre, je me suis endormi ici on m'a renfermé.
— Tu n'as été envoyé par personne ?
— Non.
— Peut-être... soit... Mais tu as tout entendu ?
— J'ai... entendu des voix... j'ai entendu quelques mots... mais...
— Tu hésites.... tu as tout entendu, tu as notre secret, tu vas mourir.
— De grâce !...
— Enfin... peut-être, en effet, vaut-il mieux ne pas souiller l'église par ce meurtre et nous trahir d'avance par des traces de sang dans ce lieu ; mais tu vas jurer ici, en face de l'autel, que tu ne révéleras à âme qui vive ce que tu as entendu, que tu ne diras mot de notre réunion... »

Le prêtre, terrifié, jura ce qu'on voulut, et on le poussa dehors.

Troublé et comme hors de lui, Fardulfe rentra vite en ville ; mais que devait-il faire?... Ce serment devait-il le lier ?... Il ne le crut pas, cet engagement arraché par la force était nul ; d'ailleurs le tenir était un crime, c'était se rendre complice de l'attentat ; la conscience, le bien de l'État lui faisaient un devoir de tout dévoiler.

Il courut donc au palais de Ratisbonne, où résidait alors Charlemagne, et il demanda à lui parler. Les gardes, ne sachant qui il était, lui refusèrent l’entrée. Le prêtre insista, il pria, il éleva la voix et se répendit en paroles pleines de colère. Le bruit en arriva jusqu'à Charles, qui envoya savoir ce que c’était. On lui répondit qu'un homme, les habits en désordre, l'air égaré, voulait, malgré tout, pénétrer jusqu’au roi, pour lui communiquer, disait-il, des choses de la dernière importance.

Charles fit introduire l’inconnu.

Fardulfe raconta tout ce qui s'était passé, tout ce qu'il sava

Le roi fit arrêter Pépin et ses complices. Les coupables comparurent devant le plaid qui siégeait à Ratisbonne, et ils furent condamnés unanimement à perdre la tête.

Le roi, toujours généreux et clément, leur fit grâce de la vie. Les seigneurs furent exilés, et fut enfermé dans le monastère de Pruim, au diocèse de Trêves.

Charles n'oublia pas le prêtre auquel il devait la vie, il éleva Fardulfe aux honneurs et le fit abbé de Saint-Denis.

De son côté Fardulfe témoigna toujours une vive reconnaissance et un grand attachement à son bienfaiteur. Il fit bâtir à Saint-Denis un palais pour Charlemagne qui y résidait quelquefois. Nous voyons les princes carlovingiens successeurs de Charles, et même les premiers rois capétiens s'y établir aussi momentanément, comme par exemple, le roi Robert.

II

LES FILLES

Eginhard parlant des enfants de Charlemagne nous dit :
« Le roi voulut que ses enfants, tant fils que filles, fussent initiés aux études libérales, que lui-même cultivait...... Quant aux filles, pour qu'elles ne croupissent pas dans l'oisiveté, il ordonna qu'on les habituât au fuseau, à la quenouille et aux ouvrages de laine, et qu'on les formât à tout ce qu'il y a d'honnête.

« II apportait une telle surveillance à l'éducation de ses fils et de ses filles que, quand il n'était pas hors de son royaume, jamais il ne mangeait ou voyageait sans les avoir avec lui ; les garçons l’accompagnaient à cheval, les filles suivaient par derrière, et une troupe nombreuse de soldats choisis, destinée à ce service, veillait à leur sûreté. »

Ce qui est bien surprenant c’est ce qu’ajoute Eginhard :
« Ses filles étaient fort belles et il les aimait beaucoup ; aussi s'étonne-t-on qu'il n'ait jamais voulu en marier une seule, soit à quelqu'un des siens, soit à quelque étranger. Il les garda toutes chez lui et avec lui, disant qu'il ne pouvait se priver de leur société. »

Remarquons encore qu'Éginhard ne parle point la manière d’Emma et de la manière dont cette princesse devint sa femme.

La mort vint lui ravir, en 811, l'aînée de ses filles, Rotrude, qui avait été fiancée autrefois à Constantin Porphyrogénète. Comme il avait pleuré Charles et Pépin, il pleura amèrement cette fille chérie ; sa douleur fut si vive qu'elle parut de la faiblesse à bien des gens. Il y en a qui s'imaginent que la grandeur des princes doit étouffer un peu en eux les sentiments de la nature. On pourrait plus justement reprocher à Charles cette sorte d’égoïsme qui lui fit garder ses filles avec lui sans vouloir les marier.

Outre une fille née d'Himiltrude et par conséquent sœur utérine de Pépin le Bossu, il eut de la reine Hildegarde d'abord Rotrude ou Érythrée, puis Bertha et Gisla ou Gisèle. La reine Fastrade lui donna aussi deux filles qui furent religieuses. On ne voit point parmi ces noms celui d'Emma, l'héroïne de la légende, à moins qu'Emma ne fût un surnom de l'une des trois filles d'Hildegarde. Les chroniques varient bien un peu, en effet, sur ces noms, car il y a des auteurs qui appellent ces trois filles : Théodore, Hietrude et Richarde.



Chapitre XVII : Les pas sur la neige.
Retour à la liste des légendes
Retour à la page d'accueil

Site optimisé pour Firefox, résolution minimum 1024 x 768 px

Flux RSS : pour être au courant des derniers articles édités flux rss