Le Cercle Médiéval


L'écran

Par Eugène Viollet-le-Duc

ÉCRAN, s. m. Garde-feu. Sorte de claie en osier que l'on plaçait devant le feu afin de ne point être incommodé par la trop grande chaleur (1).

« Tables, tretiaulx, fourmes, escrans (2). »

Les appartements, pendant le moyen âge et jusqu'au XVIIe siècle, étaient chauffés au moyen de très-grandes cheminées dans lesquelles on brûlait des tronçons d'arbres énormes (voy. dans le Dictionnaire raisonné de l'Architecture le mot CHEMINEE) ; ces feux devaient être tellement ardents, qu'on ne pouvait s'en approcher sans risquer, tout au moins, de roussir ses vêtements. Ces écrans en osier, plus ou moins grands, tempéraient la chaleur qui arrivait tamisée à travers les mailles de la claie ; ils étaient montés sur pieds, de manière à pouvoir être posés comme bon semblait. On fabriquait encore des écrans de ce genre, dans l'ouest de la France, à la fin du siècle dernier : souvent aussi on se contentait de les suspendre par deux boucles au manteau de la cheminée, pour pouvoir se chauffer les pieds sans avoir le visage brûlé. Nos aïeux prenaient, pour rendre le voisinage du feu agréable, une foule de précautions de détail qui indiquent combien on appréciait ce compagnon indispensable des longues soirées d'hiver. Si le feu était ardent et remplissait l'âtre, on approchait les écrans, petits et grands, que l'on disposait comme des mantelets pour tempérer le rayonnement de la flamme et de la braise ; si le feu commençait à s'éteindre et n'occupait plus qu'un petit espace du foyer on s'asseyait sous le manteau de la cheminée, sur des escabeaux. Parfois des lambrequins, accrochés au manteau, préservaient le visage des personnes qui voulaient se chauffer debout, en se tenant d'une main à des poignées scellées sous le grand linteau de la cheminée.

Meuble qui sert à la fois de siège et d'écran

Fig. 1

Voici (fig. 1) la copie d'un meuble qui sert à la fois de siège et d'écran ; c'est un banc double (3), avec dossier roulant sur un axe de manière à s'incliner soit d'un côté soit de l'autre, suivant que les personnes assises veulent faire face au feu ou lui tourner le dos. Ce meuble, placé devant l'âtre, permettait de profiter de toute la chaleur du foyer en s'asseyant du côté qui lui faisait face, ou de s'en garantir en jetant une pièce d'étoffe sur la barre du dossier. Cela est assez ingénieux. On avait aussi, pendant le moyen âge, des paniers ou coffres d'osier dans lesquels on mettait les jambes lorsqu'on voulait s'asseoir près du feu sans brûler ses chausses (4).

  1. « A Noël l'escrainier, pour II grans écrans d'osier ; à lui pour II petits écrans d'osier achetés pour la chambre du roy et de Monseigneur de Valois. » Compte des dépenses du roi Charles VI, année 1382.
  2. Le Miroir de Mariage : Eustache Deschamps, XIVe siècle.
  3. Le Romuléon. Man. de la Bib. imp., n° 6984.
  4. Pendant le dernier siècle (XVIIIe) encore, lorsque les hommes portaient tous des culottes et des bas de soie, on laissait, près de la cheminée, des jambards ou sortes de bottes en carton ou en osier, dont on avait le soin de s'armer pour se chauffer sans se rôtir les jambes.



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