Accueil --> Liste des légendes --> Le diable.


Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Les artisans du mal

Le diable

Sites et récits

En Ardenne, le diable est, avec les nutons, l'être fantastique le plus rencontré dans les légendes géographiques. Le nombre des rochers et des pierres qui lui sont attribués est considérable. Beaucoup de ces monolithes ont gardé le souvenir d'un culte préhistorique et leur appartenance au diable a jeté sur eux une sorte de discrédit, de damnation, messire Satan personnifiant souvent le vieux paganisme.

D'une apparence plutôt répugnante, le diable dirige le sabbat. Au cours de ces réunions, qui tournent vite à l'orgie, sorciers et sorcières rendent hommage à leur très vénéré maître et accueillent les nouvelles recrues.

Un thème légendaire très fréquent est celui du diable dupé. Dans ce récit, le Malin s'offre à bâtir un édifice quelconque (château, moulin, barrage, chaussée...) en un temps donné. Pour prix de ses services, il exige l'âme du bénéficiaire. Mais le diable finit toujours par être déjoué, roulé, trompé. L'édifice, souvent inachevé, demeure ou s'écroule. Quant au Malin, dépité et maugréant, il regagne son enfer en laissant derrière lui une odeur de soufre.

La Chaussée du diable

II est fréquent dans la tradition populaire que l'origine de certains chemins antiques, les voies romaines en particulier, soit entourée de légendes. L'importance de ces ouvrages a intrigué le campagnard superstitieux. Pour lui, ces routes ne pouvaient être l'œuvre que de personnages fabuleux. Tout le monde connaît la Chaussée Brunehaut dont le tracé parfaitement rectiligne traverse toute la Hesbaye. Il y a aussi la Pavée de Charlemagne dans les Hautes Fagnes et le Chemin Napoléon près de la Baraque de Fraiture.

Au sud-est de Mande-Saint-Etienne, un tronçon de la voie romaine Metz-Arlon-Tongres est appelé Chaussée du diable, parce que, selon une croyance, Satan l'aurait construit en une seule nuit. Sur le même plateau, la route passe par le Trou du diable, un vallonnement pierreux et désolé. C'est là, assure-t-on, que Satan aurait pris les matériaux nécessaires à son entreprise diabolique. Cet endroit est aussi désigné comme l'ancien emplacement du village de Mande.

Autrefois, relais et métairies ont dû être nombreux aux abords de la chaussée. Peut-être le Trou du diable fait-il allusion à une construction disparue dont la mémoire collective a gardé un souvenir déformé. Qu'importe, ces lieux ont vécu, et celui qui suivra d'un pas songeur la vieille chaussée rognée par les cultures, aura parfois la sensation grisante de remonter le temps.

La Roche à Frêne

Près de Villers-Sainte-Gertrude, la vallée de l'Aisne se resserre brusquement entre deux promontoires rocheux, ne laissant à la rivière qu'un étroit défilé pour passage. Dominant cet étranglement, la muraille d'un rocher dresse sa paroi cyclopéenne au-dessus du torrent. C'est la Roche à Frêne (ou variante locale : la Roche noire). L'endroit est bizarre, et pour le populaire toujours superstitieux, ces blocs de «poudingue», si ingénieusement empilés par un caprice de la nature, seraient l'œuvre du diable.

Il y a bien longtemps, Guillaume de la Marck (le fameux et sinistre «Sanglier des Ardennes»), traqué par les soldats du Prince-Evêque de Liège, appela le Malin à son secours. La nuit tombait et Satan, en échange de l'âme du «Sanglier», s'engagea à construire, avant le chant du coq, un gigantesque barrage sur l'Aisne afin de noyer les Liégeois. Sans perdre une minute, le diable et ses sbires se mirent au travail, entassant d'énormes blocs de rocher dans le défilé de la rivière.

Or, non loin de là, se dressait la chaumière d'une pauvre vieille qui n'avait pour tout bien qu'un coq et quelques poules. Réveillée par le bruit, la femme se leva, alluma une chandelle et se rendit au poulailler. A son arrivée, le coq, trompé par la lueur de la chandelle, lança un cocorico strident, lequel se répercuta dans toute la vallée. Croyant à l'annonce du jour, le diable et ses sbires abandonnèrent le chantier et disparurent dans une grande précipitation.

Sous la pression de la rivière montante, le barrage inachevé s'écroula, libérant une formidable masse d'eau qui déferla sur les soldats du Prince-Evêque et les submergea. Quant à Guillaume de la Marck, réfugié sur les terres toutes proches du duc de Bourgogne, il se félicita d'avoir, en même temps, échappé à ses poursuivants et dupé messire Satan.

La Pierre du diable

En Ardenne namuroise, le village de Allé s'est établi dans un méandre asséché de la Semois. Il y a bien longtemps, le diable, irrité de voir les habitants de cette localité édifier une nouvelle église, décida de la noyer en détournant la rivière vers son ancien lit. Pour ce faire, il se rendit sur un versant de la vallée dont le sommet était jonché de pierres énormes. Sûr de son coup, il les arracha du sol et les précipita l'une après l'autre dans la Semois, où elles entravèrent le cours de la rivière.

Ricanant, le diable continuait sa sinistre besogne lorsque apparut l'archange saint Michel. Voulant échapper à son vieil ennemi, Satan, dans sa précipitation, trébucha et dégringola sur les pierres qu'il venait de basculer dans la Semois. En tombant, son pied marqua profondément l'une d'entre elles qui porte désormais le nom de Pierre du diable. Baignant dans l'eau, celle-ci se trouve sur la rive droite de la Semois, en amont du village de Allé. Pierre churée et Pierre plate sont les noms des blocs qui l'environnent. D'autres roches sont immergées dans la rivière et ne surgissent qu'à l'occasion de grandes sécheresses.

D'après une autre tradition, on raconte que le diable y attirait les passants attardés pour les noyer. Aujourd'hui, la Pierre du diable n'effraye plus personne, pas même les baigneurs qui, pendant la période estivale, s'y accrochent comme à un récif.

Le Moulin des Cawettes

A lire sur ce site Le meunier des Clawettes

Sur les hauteurs de Vielsalm, on voit entre les lieux-dits Cahay et Schlommefurth, c'est-à-dire sur une distance de dix kilomètres et une largeur de deux kilomètres, un grand nombre de pierres éparpillées. Ce sont des blocs en grès d'arkose de toutes dimensions dont certains, dans le but d'en faire des meules, ont été l'objet d'une taille. Mais, parce qu'en cours de fabrication des défauts étaient apparus, beaucoup d'entre eux ont été abandonnés sur place.

Ces pierres ont intrigué le populaire et voici leur légende. Un jour, un meunier, attiré par les pierres, vint s'établir aux Cawettes, un lieu-dit de Ville-du-Bois, hameau de la commune de Vielsalm. Il y bâtit un moulin bien chétif et désira le garnir de plusieurs meules qu'il entendait tailler lui-même. Une première meule fut ainsi réalisée, mais pour la seconde, le meunier eut beau marteler une foule de blocs, jamais il ne parvint à la terminer.

Un soir, après un nouvel échec, notre homme, désespéré, appela le diable à son aide. Presque aussitôt, le Malin apparut et lui proposa un pacte. Dans celui-ci, l'imprudent meunier s'engageait, en échange d'un superbe moulin et de vingt-cinq années pour en jouir, à remettre après ce délai son âme à Satan. Ce dernier fit les choses grandement, et le moulin des Cawettes prospéra pendant un quart de siècle.

Mais, au terme convenu, le diable vint réclamer son dû. Par une nuit orageuse, dans un fracas épouvantable, moulin et meunier disparurent mystérieusement. Au petit matin, les voisins ne trouvèrent plus que les débris encore fumant de la masure primitive et reconnurent, parmi des blocs informes, l'unique meule que le malheureux meunier avait taillée de ses mains bien des années auparavant.

Le Rocher du diable

Entre Fraiture et Malempré, sur le sommet du Bois de Groumont, à proximité de l'ancien chemin de Liège à Bastogne, se trouve le Rocher du diable. C'est un banc rocheux relativement plat et de peu de hauteur (10 m x 8,50 m x 2,90 m). Également appelée Pierre al'Falhouze (Pierre à la falaise), cette tribune naturelle est propice aux assemblées, aux conciliabules, aux sabbats.

Dans des temps très lointains, l'endroit a pu servir de théâtre à quelque culte druidique, à des sacrifices propitiatoires. Aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, des hommes et des femmes, voire des moines, y célébraient le Malin, grisés par les extravagances du sabbat.

On croit aussi que la Cour de Justice de Malempré y tenait ses assises. En témoigne la place où s'encastrait dans le rocher l'anneau d'attache des coupables enchaînés. On parle encore de sonneries de cloches émanant de cet amas rocheux certaines nuits d'orage... Une note de gaieté dans ce tableau un peu noir : se mariera dans l'année, la personne qui, de passage dans les environs, va se reposer sur la Pierre al' Falhouze.

A quelque huit cents mètres du Rocher du diable, une énorme dalle d'arkose, appelée la Plate pire, et d'autres blocs erratiques voisins, constituent peut-être un site mégalithique. Les avis sont partagés. Toutefois, simples moraines ou mégalithes, ces pierres ne laissent pas d'intriguer.

La Pierre Roland

A lire sur ce site Légendes carlovingiennes, La famille de Charlemagne et ses descendants par Adrien de Barral parut en 1883 (très rare, 34 chapitres)

Sur la Meuse ardennaise, entre Anchamps et Laifour, la Pierre Roland est un bloc de diorite de forme pyramidale (1,40 m x 1,10 m x 0,70 m). Située sur la rive gauche, à quelques mètres du fleuve, elle a pu être un point de repère pour les bateliers, leur signalant à cet endroit la présence de roches immergées.

Comme beaucoup de blocs erratiques, la Pierre Roland a sa légende. Un jour, s'en allant guerroyer contre les ennemis de Charlemagne, le brave Roland passa entre Anchamps et Laifour. Il chevauchait dans la vallée lorsqu'il fut pris à partie par Satan, celui-ci vouant une haine féroce au très grand et très catholique Empereur, de même qu'à tous ses proches.

Sur les hauteurs des Dames de Meuse, massif rocheux baigné par le fleuve, le diable arracha à la montagne deux gros quartiers de roc qu'il lança de toutes ses forces sur Roland. Mais le chevalier, pour contrecarrer la manœuvre du démon, implora le Seigneur. Sa prière fut entendue : la première pierre passa au-dessus de sa tête et alla rouler dans la Meuse; la deuxième se planta à ses pieds et commémore la victoire du preux chevalier sur Satan.

Le Château du diable

A l'est de Monthermé, le Roc la Tour, crête de quartzite dominant un défilé de la Semois, est un haut lieu de l'Ardenne française. Avec sa terrasse profondément crevassée, ses trois piles rocheuses en forme de tour et son gigantesque éboulis dévalant la montagne, ce site unique a l'aspect déchiqueté d'un château en ruine. Frappés par cette ressemblance, les paysans lui ont donné une origine merveilleuse. Pour eux, c'est le Château du diable.

Ils racontent qu'un seigneur du temps jadis avait une femme jeune, belle, fière et ambitieuse, mais sans château digne de l'abriter. Un jour, il vit venir à lui le diable qui se moqua de sa pauvre demeure et lui proposa, en échange de son âme, de bâtir sur les hauteurs de la vallée un magnifique château. Il accepta le marché et, le soir même, Satan se mit à l'œuvre, aidé dans sa tâche par une kyrielle de diablotins.

Selon la coutume, le château devait être construit en une nuit, avant le premier chant du coq. Pendant des heures, le diable et ses sbires s'affairèrent autour de l'édifice dont les tours, les remparts, grandissaient à vue d'œil. La dernière pierre allait être posée lorsqu'un coq, réveillé par ce tapage, poussa son cocorico strident. Réalisant son échec et écumant de rage, le diable jeta sa toque contre les murailles qui s'écroulèrent dans un vacarme épouvantable.

Site légendaire connu, le Roc la Tour est également un site archéologique de premier plan. Durant la préhistoire, ses rochers ont servi de campement à des chasseurs de la fin de l'Age du Renne qui, dans le sol, ont laissé pour trace de leur occupation des milliers de silex taillés.

Le Trou du bouc

A la limite des communes d'Anloy et de Jéhonville, au lieu-dit Trou du bouc, le diable apparut un jour à un villageois. Celui-ci étant dans le besoin, Satan lui proposa une bourse pleine d'or s'il pouvait lui montrer une bête plus insolite que le vert-bouc (une espèce de démon) qui l'accompagnait. Le paysan accepta le marché et s'entendit avec sa femme pour gagner. Au jour fixé, il enduisit cette dernière d'une couche de miel, la roula dans les plumes d'un matelas et l'amena à l'endroit convenu. Le diable ne parvint pas à identifier l'étrange créature que lui présenta notre homme. Fou de rage, il disparut en jetant aux pieds du rusé Ardennais le prix du pari perdu.

D'après une autre version de cette légende, c'est un prêtre qui, revenant de Saint-Hubert, aurait rencontré le vert-bouc dans les parages de la Fontaine au fer (Cette source ferrugineuse, située au milieu d'un plateau cultivé et désertique, est environnée de plusieurs stations préhistoriques). La bête essaya de tenter l'homme, mais celui-ci, sachant qu'il avait affaire au diable, le menaça de son crucifix. Devant ce signe, le vert-bouc recula et prit la fuite. Une croix, dite Croix Sauveur, aujourd'hui disparue, commémora longtemps l'acte courageux du prêtre face au diable.

Le Faix du diable

Sur les hauteurs de Spineux, en bordure d'une pente abrupte, gît une roche énorme et sombre qui porte le nom de Faix du diable (faix, fa : charge). Voici sa légende. Saint Remacle venait de bâtir son monastère de Stavelot après avoir chassé de ce lieu tous les démons païens qui l'habitaient. Ne voulant pas se laisser déposséder de la sorte, Satan s'empara d'une grosse pierre, y attacha un anneau de fer pour la porter plus facilement et prit le chemin de Stavelot afin d'écraser sous cette masse l'édifice de saint Remacle. Ce dernier, averti par un ange, prit les devants. Muni d'une hotte remplie de vieilles sandales, il quitta son monastère et se dirigea vers l'ennemi.

La rencontre eut lieu entre Wanne et Spineux. Le diable, éreinté, soufflant comme un bœuf, pliait sous le poids de sa charge. Au pauvre pèlerin qu'il croisa, Satan demanda s'il y avait encore loin jusqu'à Stavelot. «Oh! bien loin, répondit le saint en renversant le contenu de sa hotte aux pieds du Malin. — Jugez-en vous-même, ajouta-t-il, toutes ces savates étaient neuves quand j'en suis parti.»

Joué par l'ingénieux stratagème du saint, le diable, dans sa colère, arracha l'anneau qui l'aidait à tenir la pierre et le lança loin devant lui. Puis, renonçant à continuer son chemin, il abandonna sur place l'énorme rocher qui étonne encore les passants.

A proximité du Faix, une grosse pierre porte sur son sommet trois petites cavités rectangulaires. Naguère, l'eau qui stagne dedans avait le pouvoir de guérir les verrues, et les femmes stériles, venaient y faire des ablutions pour devenir fécondes.



Accueil --> Liste des légendes --> Le diable.

Site optimisé pour Firefox, résolution minimum 1024 x 768 px

Flux RSS : pour être au courant des derniers articles édités flux rss