Chacun savait que Marie M. d'Orchimont allait chercher des ossements, à minuit, au cimetière. Magiques étaient ceux d'un enfant mort-né - ou ce qui longtemps fut équivalent, enterré avant d'avoir été baptisé (donc point arraché au «péché originel» et resté hors du monde chrétien). Selon les croyances populaires allemandes, ces restes donnaient le pouvoir d'être invisible. Dans les archives de l'ancienne justice d'Alle-sur-Semois se trouve un procès-verbal d'enlèvement de la dépouille d'un enfant mort-né, ôté du cimetière de la paroisse. Mutilés, les restes de celle-ci furent retrouvés près de la vanne de la Semois. C'est un des rares cas, dans la région, d'un probable usage en vue de l'invisibilité.
Être, à volonté, soustrait à la vue de gens est bien commode pour les voleurs. Dans la Basse-Semois on citait plusieurs cas de braves fermiers qui, éveillés, aux aguets, avaient été cambriolés la nuit sans apercevoir aucun coupable. La femme D. de Poupehan avait même acquis le pouvoir de rendre invisibles les objets ou denrées qu'elle subtilisait. Denis P. qui la trouva un jour grappillant dans son champ de pommes de terre la traita de «sale voleuse». - Voleuse de quoi? répondit-elle effrontément. Regarde ma hotte: elle est vide.
Elle semblait vide en effet, mais Denis R. ne fut pas dupe: il avait vu disparaître ses patates partout où elle se penchait. Il rossa donc avec vigueur la femme D. Comme elle était une dure à cuire, cela ne fit pas réapparaître les pommes de terre. Mais après cet incident, elle employa son pouvoir avec prudence.
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