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Le Cercle Médiéval en police de caractère adaptée


Légendes carlovingiennes

La famille de Charlemagne
et ses descendants

CHAPITRE X

L'âme de Roland

Pendant que le preux chevalier agonisait et qu'il mourait ainsi, Charlemagne, — coïncidence singulière ! — assistait à une messe des trépassés que chantait Turpin, l'archevêque de Reims. Or, au milieu de l'office, l'archevêque s'arrêta, les saintes prières furent suspendues ; immobile, le visage comme transfiguré, Turpin semblait contempler une scène qui se déroulait au loin. Il était ravi en extase, les mains tendues, les regards comme perdus dans l'espace. Charles et tous les assistants étaient saisis d'étonnement et de crainte; mais bientôt le pieux célébrant, revenant à lui, acheva, les yeux remplis de larmes, les cérémonies sacrées.

Après la messe, il alla en hâte vers l'empereur, qui l'attendait avec impatience pour l'interroger. « Que vous est-il arrivé?... s'écria Charles, le ciel vous a-t-il montré l'avenir ou révélé de redoutables secrets ?

- Hélas! hélas ! ô roi, armez-vous de courage... entendez la terrible vérité..... Roland !.... Oh ! pleurez, pleurez Roland..,, il n'est plus..... je l'ai vu étendu sur le gazon de la vallée, se disposant à la mort, demandant pardon de ses péchés, appelant la miséricorde de Dieu..... je l'ai vu expirer..... nous le trouverons au pied du rocher de Roncevaux..... Cependant, ô mon prince, ne vous laissez pas aller à une douleur trop vive, consolez-vous, car Roland est mort de la mort des saints, il est sauvé.

Voici ce que Dieu m'a dévoilé : votre neveu allait rendre le dernier soupir, quand j'ouïs une mélodie toute céleste ; c'était un chant de triomphe et d'allégresse d'une beauté surhumaine, il partait des rangs d'une légion d'anges qui sur leurs blanches ailes avec leurs tuniques d'azur, descendaient du firmament ayant à leur tête le grand archange saint Michel. Ils s'arrêtèrent au-dessus de Roland ; quand celui-ci eut expiré, son âme, pure et blanche comme une colombe, brillante d'une lumière divine, fut emportée par la cohorte angélique, au milieu d'une nuée lumineuse. L'auréole au front, le sourire sur les lèvres, Roland monta, monta, au milieu des anges et entra avec eux dans les saints parvis. Puis les portes de saphir du ciel semblèrent se refermer, et mes yeux, revenant sur la terre, tirent alors un tout autre spectacle.

Des phalanges de démons, aux formes hideuses, au corps noir comme la suie, aux ailes de feu, poussaient des hurlements et des cris de triomphe ; ils emportaient l'âme coupable, difforme et noire de l'infidèle Marsillon, du traître et parjure (cause de la mort de Roland, cause aussi du désastre de l'arrière-garde ; car, hélas ! vos soldats sont morts ou dispersés. J'ai vu la terre s'entr'ouvrir et des flammes s'en élancer avec des tourbillons de fumée ; c'est dans ce gouffre que disparut le cortège diabolique avec l'infâme Marsillon et toutes les âmes des infidèles tués avec lui. A chacun selon ses mérites : à Marsillon les tourments éternels, mais à Roland les joies du paradis. Ne le pleurez pas trop, car les anges ont emporté son âme en perdurable repos, ou elle est en joye sans fin par la dignité de ses mérites en la compaignie des glorieux martirs.

Charles écoutait, comme stupéfait et terrifié, ces étonnantes communications; à peine pouvait-il croire à ce qu'il entendait, quand un cavalier arriva au triple galop. Des cris de surprise l'accueillirent : on venait de reconnaître le cheval de Roland ; mais le cavalier n'était pas Roland, c'était Baudouin qui accourait ainsi !...

Hélas ! le récit de Turpin n'était donc que trop vrai, puisque le cheval de Roland ne portait plus son maître; Baudouin, qui le montait, apportait sans doute des nouvelles fatales, ses traits altérés, sa tristesse et ses larmes ne le faisaient que trop deviner.

On se presse autour de lui, et, au milieu d'un silence profond, il raconte au roi tout ce qui s'est passé à Roncevaux.

Alors se sourdit moult grant cry en l'ost de Charlemaigne; on pleure, on gémit, on demande à revenir à Roncevaux

La colère contre les traîtres et la douleur sur la perte de son neveu se partagent l'âme du monarque.
L'as-tu vu mort ?... dit-il.
- Non, répond Baudouin, je l'ai laissé agonisant..... mais il est mort maintenant, c'est certain.

Peut-être..... soupira Charles, voulant douter encore malgré les révélations de Turpin, peut-être n'est-il pas mort... peut-être pourrons-nous lui porter secours, espérons-le... Retournons vers lui, et s'il mort, nous le vengerons. »

Le roi donne aussitôt l'ordre du départ, toute l'armée s'ébranle et reprend le chemin des ports de Césarée.



Chapitre XI : Plaintes de Charlemagne sur la mort de Roland.
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